L'Orient le jour - Le débat demain au Conseil de sécurité : une première indication sur le sort du chapitre VII, 1 Mai 2007.
L'article de Jeanine JALKH
La détente relative observée depuis quelques jours sur le plan interne a relégué au second plan le débat autour des modalités d’adoption du tribunal international, cheval de bataille par excellence dans le conflit qui oppose majorité et opposition. Après avoir laissé entendre que le tribunal ne sera adopté que par voie du chapitre VII de l’ONU tant que le blocage institutionnel persiste, certaines voix de la majorité semblent avoir mis une sourdine à leur propos depuis quelques jours, notamment après l’ouverture spectaculaire effectuée par le leader druze Walid Joumblatt en direction de l’opposition au lendemain de la découverte macabre des cadavres des deux jeunes Ziad. Ce double assassinat – dont les ondes de choc ont été « aussi profondément ressenties par les Libanais que celles engendrées par le meurtre de Rafic Hariri » selon les termes d’un député d’Amal – a tiré la sonnette d’alarme et donné un avant-goût des dangers que pourrait entraîner tout conflit interne quel qu’en soit l’événement déclencheur. Le drame des familles Kabalan et Ghandour serait-il un prélude à une entente globale sur les multiples dossiers en suspens, dont celui du tribunal international ?Il est encore trop tôt pour se prononcer, affirme une source proche de Nabih Berry, qui soutient que cette question n’a même pas été effleurée encore, mais que le climat positif qui règne depuis quelques jours pourrait augurer d’une solution interne. Celle-ci éviterait au pays le pire, à savoir une imposition du chapitre VII que l’opposition conspuera et que l’ONU ne semble pas, à ce jour, acclamer.Les multiples appels du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, à un compromis libanais interne sur la question – clairement réitérés dans son interview à l’Associated Press vendredi dernier – démontrent clairement que l’ONU espère encore un retournement de situation qui lui éviterait le recours à des moyens musclés qui ne semblent pas compatibles ni applicables à la situation libanaise, de l’avis de plusieurs juristes locaux et internationaux.C’est en tout cas ce qui ressort de la position exprimée récemment par le président du Tribunal pénal international spécial pour la Yougoslavie, Fausto Pokar, qui estime que « le Conseil de sécurité ne peut adopter le statut d’un tribunal dit mixte sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies car le tribunal spécial pour le Liban (...) devra fonctionner selon les lois libanaises pour juger les auteurs des crimes commis localement et qui sont à caractère non international ».Par conséquent, soutient l’expert, on ne saurait créer un tribunal mixte sans l’approbation de l’État concerné. Et quand bien même le Conseil de sécurité opterait pour le chapitre VII, l’État libanais devrait en ratifier le statut et la convention bilatérale, selon les procédures constitutionnelles en vigueur. Ce qui, si l’on en croit cette analyse, nous ramènerait, à la case départ, les institutions étant, à ce jour, paralysées. Une source libanaise informée a toutefois réfuté cette thèse, soutenant qu’en cas de recours au chapitre VII, la résolution onusienne se substituera alors à la convention bilatérale, pour faire adopter le statut du tribunal, qui, lui, ne changera pas, du moins théoriquement. Car, précise la source, il est évident que ce statut deviendra « plus fort » sous le chapitre VII, et primera par conséquent sur le droit national.Est-ce à dire que nous serons alors devant le fait accompli d’un tribunal international en bonne et due forme ? Et que deviendra alors le rôle du droit et des juristes libanais dans une telle situation ? Fausto Pokar tranche sur ce point : un tribunal international ne s’applique aucunement puisque l’assassinat de Rafic Hariri et des autres meurtres commis durant la période mentionnée « ne sont pas des crimes internationaux ».Bref, autant de complications au plan juridique qui pourraient expliquer l’hésitation – pour l’instant du moins – des Nations unies à s’aventurer sur un terrain vierge, mais miné en matière de droit international.Il est également évident que l’ONU, généralement promoteur d’un retour à la paix, lésine encore à prendre des mesures qui ne garantiraient pas nécessairement la stabilité au Liban, malgré sa farouche détermination à mettre en place ce tribunal pour faire régner la justice internationale. Mais pas à n’importe quel prix.Prise entre l’enclume et le marteau, le Conseil de sécurité, sous l’impulsion du secrétaire général, pourrait encore patienter quelque temps, mais certainement pas indéfiniment. Les propos de Ban Ki-moon invitant le Parlement à adopter le projet instituant le tribunal avant la fin mai – date de la fin de la session parlementaire ordinaire – pourrait être considéré comme un ultimatum pavant la voie à une intervention onusienne, pour trancher cette question. Encore faut-il que le Conseil de sécurité puisse s’assurer de l’approbation ou même de l’abstention de la Russie, ce qui n’est pas encore garanti, du moins comme l’affirment certains observateurs. La discussion demain au Conseil de sécurité du rapport présenté par Nicolas Michel sur sa mission libanaise, devrait mettre en évidence l’orientation générale des différents membres du Conseil de sécurité, qui sont loin d’être unanimes sur cette question.Il reste donc à espérer que l’accalmie qui règne sur le plan local sera positivement exploitée, de préférence avant fin mai, pour parvenir à une adoption du tribunal par les voies normales. Une entente interne sur la question permettra en outre d’éviter un imbroglio juridico-politique qui risquerait, à l’avenir, d’ôter toute légitimité aux verdicts que le tribunal serait appelé à prononcer.
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