L'Orient le jour - Affaire Hariri - Le premier rapport d’étape sur la mise en place du tribunal international remis hier à New York, 06 septembre 2007
NEW YORK, de notre correspondante aux Nations unies, Sylviane ZEHIL
Le premier rapport du secrétaire général de l’ONU sur la mise en œuvre de la résolution 1757, adoptée le 30 mai dernier et relative à la mise en place du tribunal international spécial qui jugera les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, a été remis hier matin au président du Conseil de sécurité, le représentant de la France, Jean-Maurice Ripert, dont le pays assume la présidence pour le mois de septembre. Préparé par Nicolas Michel, secrétaire général adjoint aux Affaires juridiques et conseiller juridique des Nations unies, ce rapport, qui énumère les mesures prises par M. Michel depuis le 10 juin, en vue de la création du tribunal, fera l’objet de discussions au Conseil de sécurité, le 19 septembre.La présidence française du Conseil de sécurité coïncide cette année avec l’arrivée à New York des chefs d’État, de gouvernement et de nombreux ministres qui doivent assister à la 72e session de l’Assemblée générale, du 21 au 28 septembre, au siège de l’ONU. « L’Afrique sera l’une des priorités de cette présidence, comme l’a voulu le président Sarkozy, mais le Conseil de sécurité traitera aussi de questions d’actualité, telles que le Moyen-Orient, notamment le Liban avec la présentation du premier rapport du secrétaire général sur la mise en œuvre de la 1757, qui sera à l’ordre du jour d’une réunion du Conseil de sécurité, le 19 septembre », a indiqué M. Ripert lors de la conférence de presse qu’il a tenue au siège de l’ONU afin de présenter le programme de travail du Conseil pour le mois de septembre. Prié par L’Orient-Le Jour de dire si des concertations sur le Liban sont prévues entre le président Sarkozy et ses homologues américain, européens et arabes, à New York, M. Ripert a indiqué que l’agenda définitif du président ne leur a pas été encore communiqué. « La plupart des chefs d’État et de gouvernement qui vont participer aux journées du 24, du 25 et du 26 septembre sont en train d’organiser leur agenda », a-t-il ajouté.M. Ripert s’est abstenu de répondre à une question sur le tribunal international. « Précisément, la réunion du 19 septembre a pour objet d’examiner ce texte, notamment à travers un certain nombre de points concrets mentionnés, à savoir le siège du tribunal, son financement et le vote de sélection des juges. En tant que président, je ne veux pas anticiper sur ce qui va se passer. C’est un processus lent et complexe. Le Conseil de sécurité est attentif à la mise en place du tribunal. À ce stade, je crois qu’on ne peut pas en dire beaucoup plus », a-t-il dit.À la question de savoir si les juges sélectionnés seront les mêmes qui sont en charge des interviews avec le procureur, M. Ripert a précisé que « pour l’instant, la présence de deux panels différents ou d’un seul n’a pas été tranchée. L’essentiel pour nous, du point de vue français, est que le panel prenne en considération la nécessité de nommer des juges consciencieux, qui connaissent bien la situation et qui soient à même de comprendre les traditions juridiques libanaises de manière à pouvoir dire le droit, de manière sereine et compréhensible. Cela prend un peu de temps, mais je crois que le processus est en cours et que les choses commencent à se préciser ».L’évolution du processusDans son rapport, Nicolas Michel précise qu’en vertu de la résolution 1757, agissant sous les dispositions du chapitre VII de la charte de l’ONU, le Conseil de sécurité avait décidé que les statuts du tribunal spécial sur le Liban recevraient force de loi à partir du 10 juin 2007, à moins que le gouvernement n’avise par écrit le Conseil de sécurité que les dispositions légales permettant l’instauration du tribunal indiqué n’étaient pas réunies.Au sujet de la localisation, le rapport précise que la Hollande a été choisie pour « son expérience » en la matière. Une visite effectuée du 27 au 30 août a donc permis à M. Michel et à son équipe d’en discuter avec les autorités hollandaises et de définir les besoins, y compris dans la recherche d’un siège au tribunal. Des rencontres auront lieu « dans les prochaines semaines », pour répondre aux besoins définis.En ce qui concerne la procédure de nomination des juges, du procureur, de son adjoint, du greffier et du chef du Bureau de la défense, M. Michel affirme qu’il espère avoir terminé sa tâche à la fin de l’année 2007. La liste des 12 juges libanais proposés par le CSM, et dont quatre devront être sélectionnés, est sous enveloppe scellée et ne sera ouverte que lorsque la liste de tous les magistrats devant être nommés sera prête. Ces magistrats seront sélectionnés par un comité formé de M. Michel et de deux magistrats siégeant ou ayant siégé dans un tribunal international. Le comité entamera ses entretiens avec les candidats potentiels après le 24 septembre et au cours de l’automne. Les juges entreront en fonctions à une date que doit déterminer M. Michel, en coordination avec le président du tribunal. Le procureur général sera choisi par le secrétaire général de l’ONU, sur recommandation d’une commission de sélection spéciale, en coordination avec le gouvernement libanais. Celui-ci a fait parvenir à M. Michel une liste nominative de candidats au poste d’adjoint du procureur, sous enveloppe scellée.Pour ce qui est du budget nécessaire, il devrait varier selon le nombre des accusés, des témoins et du niveau de sécurité requis. L’anglais, le français et l’arabe seront toutes trois considérées comme langues de travail. Un bureau du tribunal spécial sera créé à Beyrouth. Selon des estimations, le fonctionnement du tribunal, qui créera de 415 à 430 postes de travail, nécessitera donc 35 millions de dollars environ, pour la première année, 45 millions de dollars pour la seconde année et 40 millions de dollars pour la troisième année.En ce qui concerne l’établissement du tribunal, le rapport rappelle qu’il a été entendu, dans le cadre de la résolution 1757, que « le secrétaire général des Nations unies engagera le processus de création du tribunal lorsqu’il aura suffisamment de contributions pour le faire pour douze mois d’activité de celui-ci, plus des annonces de contributions correspondant aux dépenses prévues pour les vingt-quatre mois suivants d’activité du tribunal ».Le rapport souligne par ailleurs que les Nations unies et le gouvernement libanais s’étaient entendus en juillet dernier pour former un comité de direction qui fournira des conseils et donnera une orientation des politiques sur tous les aspects non judiciaires des activités du tribunal, y compris la question de la compétence.Pour ce qui est de la sécurité, le texte note que des mesures seront prises en consultation avec les autorités hollandaises et libanaises.Le rapport signale en outre que l’un des éléments-clés du succès du tribunal est le principe selon lequel « la justice doit être manifestée pour qu’elle soit rendue ». Comme le siège du tribunal sera situé en dehors du Liban, poursuit le rapport, l’élaboration d’un programme efficace et exhaustif de communication, susceptible de permettre aux Libanais et à la population de la région de suivre de près les activités du tribunal, demeure une priorité.Trois phasesLa création du tribunal international se fera en trois phases, note le rapport. La phase préparatoire englobe les démarches exposées longuement par M. Nicolas Michel dans le texte. La phase de lancement, qui commencera à partir du moment où le greffier sera nommé. Cette phase comprend les actions suivantes : la préparation des lieux choisis pour établir le tribunal ; le recrutement et la nomination du personnel ; la mise en place d’une équipe qui aidera le greffier à faire en sorte que le tribunal soit opérationnel.C’est au cours de la troisième phase que le tribunal commencera à fonctionner, mais à une date qui sera fixée par M. Michel, en concertation avec le gouvernement libanais. Pour ce faire, M. Michel prendra en considération l’évolution de l’enquête internationale.Lorsque le tribunal sera fonctionnel, les juges, le procureur général et le greffier prêteront serment, et la première séance plénière sera convoquée afin d’élire le président du tribunal et d’adopter un calendrier-programme pour l’élaboration des règles de procédure et de preuves et autres documents nécessaires.En conclusion, M. Michel se dit persuadé que l’établissement du tribunal spécial contribuera à mettre fin à l’impunité au Liban, notamment en ce qui concerne les crimes qui tombent sous la juridiction du tribunal. Les Nations unies demeurent engagées à soutenir le gouvernement et le peuple du Liban à cette fin en créant un tribunal à caractère international fondé sur les règles les plus élevées de la justice internationale.