Par Jeanine JALKH | 13/08/2010
C'est donnant donnant. C'est ainsi que l'on peut interpréter la démarche du procureur du Tribunal spécial pour le Liban, Daniel Bellemare, qui n'a pas tardé à réagir à la conférence de presse du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lundi soir. Tout en demandant aux autorités libanaises de lui transmettre toutes les informations en la possession du secrétaire général, notamment « les enregistrements vidéo qui ont été projetés à la télévision lors de la conférence de presse, ainsi que de tout autre élément qui aiderait le bureau du procureur à établir la vérité », M. Bellemare a exprimé, et de manière assez diplomatique, un vif souhait, illustré par l'invitation faite à Hassan Nasrallah « d'user de son autorité pour faciliter l'enquête que mène son bureau ». Et de rappeler au passage que le TSL agit « en toute indépendance » et « loin des feux de l'actualité » - message que le procureur tient à rappeler aujourd'hui plus que jamais suite aux accusations de politisation du TSL. Cela revient à dire, comme il l'avait un jour affirmé dans un entretien à la presse, que s'il n'est pas influencé par la politique, encore moins par les pressions qui pourraient être exercées sur lui, M. Bellemare use néanmoins de la ruse politique pour arriver à ses fins qui se résument, comme il dit, à « identifier et poursuivre les auteurs de l'assassinat » de Rafic Hariri.
Le procureur en profite également pour lancer un second message tout aussi pertinent en rappelant, noir sur blanc, que « le bureau du procureur est l'unique responsable de l'enquête ». D'une pierre plusieurs coups.
Ce faisant, le procureur répond aux propos de Hassan Nasrallah qui avait clairement affirmé n'avoir plus confiance dans l'instance judiciaire internationale, laissant entendre qu'il traiterait avec les autorités libanaises, voire avec une commission « locale indépendante », sans toutefois s'aventurer à préciser si le parti chiite a définitivement renoncé à coopérer avec le tribunal, laissant le suspense entier sur ce plan.
Saisissant cette opportunité, Daniel Bellemare fait une allusion indirecte aux règles fondamentales prévues par la résolution 1757 qui laisse entendre qu'effectivement c'est le TSL qui est l'unique autorité mandatée par les Nations unies pour examiner le dossier Hariri, la justice libanaise s'étant officiellement dessaisie de l'affaire en faveur du tribunal. Ainsi et par une simple phrase, Daniel Bellemare affirme à ceux qui veulent bien l'entendre que toute tentative de la part des autorités libanaises de se dérober vis-à-vis du mandat du tribunal pour amorcer leur propre enquête est, du moins au regard de la résolution 1757, impossible, à moins que le Liban ne veuille se brouiller avec l'organisation onusienne et, par conséquent, avec ses partenaires au sein de la communauté internationale.
Sur ce plan, un juriste spécialisé en droit international soutient que d'ici à un an et demi, date de la fin du mandat de trois ans octroyé au TSL, le Liban ne peut faire grand-chose face au rouleau compresseur de l'instance judiciaire, quelle que soit la teneur de l'acte d'accusation. En d'autres termes, explique l'expert, avant la fin du premier mandat du tribunal, renouvelable trois autres années, suite à de nouvelles négociations entre les deux parties, le Liban est censé coopérer jusqu'au bout et n'a pratiquement aucune possibilité de se soustraire au processus international déjà en marche.
Certes, dit-il, le gouvernement libanais, pourrait décider de retirer les juges libanais affectés au TSL, sachant cependant qu'il n'a pas d'autorité sur son vice-président, Ralph Riachi, qui a présenté sa démission de son poste libanais. Il reste la possibilité de retirer la procureure adjointe, Jocelyne Tabet, qui dit-il, n'est pas un élément incontournable pour la poursuite de l'enquête. Autre possibilité, non moins impopulaire pour le gouvernement libanais, est le fait de suspendre sa contribution au financement du tribunal, une mesure qui ferait également figure d'un coup d'épée dans l' eau puisque n' importe quel autre pays, voire même un ou plusieurs individus, peuvent pallier un éventuel creux en matière de financement. Ceci sans oublier le fait que le Liban sera mis au banc des accusés par la communauté internationale, du fait qu'il est lié dans ce cas précis par une obligation légale. Encore faut-il que les membres du gouvernement d'union nationale conviennent unanimement de telles mesures, ce qui n'est pas nécessairement acquis, à moins de voir de nouvelles démissions des ministres du 8 Mars...
Bref, ce sont autant d'éléments qui indiquent qu'un point de non-retour a été atteint au niveau de la relation qui existe entre le pays du Cèdre et l'instance internationale.
Cependant, et en demandant qu'on lui remette les éléments disponibles aux mains du Hezbollah, Daniel Bellemare semble déterminé à ouvrir une nouvelle possibilité au niveau de l'enquête en acceptant de sonder une autre piste, ou du moins ce qui apparaît être une nouvelle piste, puisque personne ne sait si l'enquêteur a oui ou non déjà envisagé la piste israélienne, sachant que la rumeur publique a fait état de la piste syrienne d'abord puis de celle du Hezbollah.
Quoi qu'il en soit, il apparaît aujourd'hui quasi certain que la crise suscitée par les indications faisant état d'un éventuel acte d'accusation incriminant le Hezbollah devrait pour l'instant se résorber, dans la mesure où l'examen des indications présentées par le leader chiite est censé prendre un certain temps, à en croire l'expert juridique susmentionné.
Ainsi, et s'il n'a pas encore atteint directement son objectif visant à accuser l'État hébreu, Hassan Nasrallah pourrait au moins avoir réussi à retarder l'échéance qu'il estime fatale de l'acte d'accusation, quand bien même il aurait affirmé que cette demi-mesure ne l'intéresse point.
Aux yeux du 8 Mars, Bellemare « aura ainsi tenté de restaurer l'image et la crédibilité du TSL que le parti chiite s'était efforcé de saper au cours de ces dernières semaines ». En demandant que les données avancées par Hassan Nasrallah lui soient transmises, le bureau du procureur se conforme ainsi à son « obligation d'explorer toutes les pistes possibles » et apporte la preuve qu'il n'épargne aucun effort pour établir la vérité, réaffirmant en outre qu'il reste, en dépit de toutes les accusations, totalement « indépendant ».
Encore faut-il que Hassan Nasrallah coopère à son tour, insiste M. Bellemare, avant de trancher en affirmant que « personne ne peut influencer la direction de l'enquête », entendre que pour l' instant, il reste le seul « juge » en la matière.
PRESS REVIEW
August 13, 2010 - L'Orient le jour - Les autorités libanaises ne peuvent faire grand-chose face au rouleau compresseur du TSL
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Background - خلفية
On 13 December 2005 the Government of the Lebanese Republic requested the UN to establish a tribunal of an international character to try all those who are alleged responsible for the attack of 14 february 2005 that killed the former Lebanese Prime Minister Rafiq Hariri and 22 others. The United Nations and the Lebanese Republic consequently negotiated an agreement on the establishment of the Special Tribunal for Lebanon.
Chronology - Chronologie
Détenus - Detainees - المعتقلون
International Criminal Justice
Videos - فيديو
- Now Lebanon : Crowds Gather to Show Support for International Tribunal, August 4, 2010
- IRIS Institute:La creation du TSL est-elle justifiee? - June 18, 2009
- Al Manar : Interview with Ali Hajj right after his release - April 30, 2009
- Al Manar: Summary of Jamil Al Sayyed's press conference, April 30, 2009
- AFP, Freed Lebanese prisoner speaks out - April 30, 2009
- OTV : exclusive interview with Jamil Sayyed - April 30, 2009
- Al Jazeeera English : Crowds celebrate Hariri suspects'release - April 29, 2009
- OTV : report about Ali el Hajj - March 18, 2009
Liens - Links - مواقع ذات صلة
The Washington Institute for Near East Policy, David Schenker , March 30, 2010 . Beirut Spring: The Hariri Tribunal Goes Hunting for Hizballah
Frederic Megret, McGill University, 2008. A special tribunal for Lebanon: the UN Security Council and the emancipation of International Criminal Justice
International Center for Transitional Justice Handbook on the Special Tribunal for Lebanon, April 10, 2008
United Nations
Conférence de presse de Nicolas Michel, 19 Sept 2007
Conférence de presse de Nicolas Michel, 27 Mars 2008
Département d'Etat américain
* 2009 Human Rights report
* 2008 Human Rights report
* 2007 Human Rights report
* 2006 Human Rights report
* 2005 Human Rights report
ICG - International Crisis Group
The Hariri Tribunal: Separate the Political and the Judicial, 19 July, 2007. [Fr]
HCSS - Hague Centre for strategic studies
Hariri, Homicide and the Hague
Human Rights Watch
* Hariri Tribunal can restore faith in law, 11 may 2006
* Letter to Secretary-General Kofi Annan, april 27, 2006
Amnesty International
* STL insufficient without wider action to combat impunity
* Liban : le Tribunal de tous les dangers, mai 2007
* Jeu de mecano
Courrier de l'ACAT - Wadih Al Asmar
Le Tribunal spécial pour le Liban : entre espoir et inquiétude
Georges Corm
La justice penale internationale pour le Liban : bienfait ou malediction?
Nadim Shedadi and Elizabeth Wilmshurt, Chatham House
The Special Tribunal for Lebanon : the UN on Trial?, July 2007
Issam Michael Saliba, Law Library of Congress
International Tribunals, National Crimes and the Hariri Assassination : a novel development in International Criminal Law, June 2007
Mona Yacoubian, Council on Foreign Relations
Linkages between Special UN Tribunal, Lebanon, and Syria, June 1, 2007
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