L'Orient le jour - Le tribunal international est une responsabilité « libanaise et internationale », affirme Zeldenrust à « L’Orient-Le Jour », 1 mars 2008
C’est au milieu de mesures de sécurité draconiennes dignes d’un film à suspense que l’ambassadeur des Pays-Bas, Robert Zeldenrust, accepte de nous recevoir dans son bureau baigné de lumière qui surplombe Achrafieh. Robert Zeldenrust est en poste à Beyrouth depuis septembre 2007, après avoir passé 7 ans en Belgique, où, « comme vous le savez, il y a des communautés linguistiques différentes et pas mal de problèmes entre elles », affirme-t-il avec un sourire. À Bruxelles, M. Zeldenrust a travaillé pendant 3 ans au sein du pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, une organisation qui avait été mise en place au lendemain de la guerre du Kosovo, « une région qui, à l’instar du Liban, est composée de plusieurs communautés », rappelle-t-il également. « Dans un passé plus lointain, j’étais au Sri Lanka », ajoute-t-il, avant de noter que « c’est peut-être pour toutes ces raisons que mon gouvernement a décidé que je ferai du bon travail à Beyrouth ». Depuis que Robert Zeldenrust est à Beyrouth, le pays s’enlise chaque jour davantage dans une crise politique sans précédent. Quelles impressions s’est-il forgées depuis son arrivée ? « Vous savez, je suis arrivé il y a 6 mois environ, je suis encore en train de m’informer et donc à ce stade, je n’ai réellement que des impressions sur la situation » qui prévaut au Liban. « Peu de gens ici ne s’intéressent pas à la crise politique, mais en même temps, on continue à vivre. Les Libanais ont une capacité de résilience incroyable, chose que j’admire, il faut le dire », affirme à cet égard Robert Zeldenrust. « Mais la question que je me pose, c’est dans quelle mesure existe-t-il un vrai rapport entre la population et les politiciens », s’interroge l’ambassadeur des Pays-Bas, avant de poursuivre en relevant qu’il lui est « difficile d’imaginer que la plupart des citoyens n’aspirent pas à vivre une vie normale, en bénéficiant des politiques socio-économiques auxquelles ils ont droit ». « J’espère qu’avec le compromis politique qui sera tôt ou tard trouvé, une nouvelle phase de politiques sociales pourra être entamée. Ces questions-là ne sont pas à mon avis, du moins pour le moment, suffisamment discutées. »Robert Zeldenrust n’était pas encore à Beyrouth le 5 février 2006, date tristement célèbre et à laquelle l’ambassade du Danemark a été attaquée suite à la publication, par un quotidien danois, des caricatures du prophète Mohammad. Mais il indique qu’à l’époque, une menace pesait également sur l’ambassade des Pays-Bas car « les gens ont parfois tendance à confondre les deux pays. Les deux sont assez petits, libéraux et assez généreux en assistance au développement et en matière d’aide humanitaire. Nous sommes “like-minded” comme on dirait en anglais et aux Pays-Bas, nous plaisantons de temps en temps sur la confusion que font certains entre notre pays et le Danemark. C’est vrai que vus de Chine ou d’Australie, les deux pays sont très proches. C’est en se basant sur cette possibilité de confusion qu’il existait des menaces contre notre ambassade ». Mais sur la liberté d’expression, pas question de transiger : « Nous y sommes très attachés », affirme d’emblée M. Zeldenrust, mais « nous comprenons ce type de problèmes puisqu’aux Pays-Bas nous sommes confrontés à des incidents de ce genre ». Faisant allusion au meurtre du réalisateur hollandais Theo Van Gogh, M. Zeldenrust rappelle qu’il existe dans son pays « une très importante communauté musulmane dont certains membres ne tolèrent pas facilement les critiques directes ». Or, un des films réalisés par Theo Van Gogh, Soumission, critique sévèrement les violences perpétrées à l’égard des femmes au sein des sociétés musulmanes. Toutefois, la détermination du gouvernement hollandais de réussir l’intégration des immigrés qui, pour la plupart, viennent des régions rurales du Maroc et de la Turquie ne semble pas entravée pour autant. « Il est important de privilégier la scolarisation de tous. Il y a un grand effort à faire des deux côtés. Il faut que les immigrés cherchent à s’intégrer, mais il faut aussi les aider. »Quid de la communauté libanaise aux Pays-Bas ? « Je ne dispose pas des chiffres exacts. J’ai moi-même posé la question à plusieurs reprises et je n’ai pas eu de réponse précise. Les estimations dont nous disposons tournent autour de quelques milliers, la plupart sont des binationaux. Ce qu’il faut souligner, c’est la facilité d’adaptation des Libanais à l’étranger. À Bruxelles, j’ai connu plusieurs Libanais et j’ai pu en discuter avec eux de cela. »Le Tribunal spécial pour le LibanLe 21 décembre 2007, les Pays-Bas décidaient d’accueillir le tribunal international, après que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, eut « sondé » plusieurs pays sur cette question, indique le diplomate, qui souligne qu’il n’y a pas eu de « refus » catégorique en provenance des autres pays qui avaient un temps été sollicités pour accueillir ce tribunal spécial. « Tout simplement, toutes les parties concernées se sont rendu compte que les Pays-Bas étaient le lieu le plus approprié pour accueillir cette instance onusienne », précise Robert Zeldenrust. « Les Pays-Bas sont préparés à ce genre de demande, ils en ont l’expérience », ajoute-t-il. Son pays abrite en effet la Cour internationale de justice depuis 1945, mais aussi, plus récemment, la Cour pénale internationale. Les Pays-Bas ont également accueilli le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ainsi qu’une branche spéciale du tribunal pour la Sierra Leone qui jugera l’ancien président Charles Taylor.En ce qui concerne le Liban, les Pays-Bas abriteront non seulement le bâtiment où se dérouleront les séances du procès, mais également « les suspects », rappelle l’ambassadeur. Est-il difficile pour un pays de gérer l’organisation, et surtout, la sécurité d’une telle instance et d’un tel procès, dont le poids politique n’est plus à démontrer ? « Je ne crois pas que cette gestion soit de tout repos. Toutefois, la décision prise par mon gouvernement d’accueillir le Tribunal spécial pour le Liban n’a pas fait de vagues aux Pays-Bas. Bien sûr, ce dossier a été présenté au Parlement, mais cela n’a pas suscité d’émoi particulier. » Les Pays-Bas ont donc en quelque sorte une vocation qui pourrait être qualifiée de « naturelle » dans ce domaine, puisque ce pays a acquis « une certaine expérience avec le tribunal pour l’ex-Yougoslavie et la Sierra Leone ». « Nous avons acquis un savoir-faire dans la question », remarque Robert Zeldenrust.Il reste que la question du Tribunal spécial pour le Liban est « une responsabilité internationale et libanaise. Le Liban y joue aussi un rôle important, voire de premier plan ». Petite précision que tient à mettre en relief Robert Zeldenrust : « Certains ont tendance à vouloir présenter ce tribunal comme une affaire occidentale. Or, cela est faux. Le Tribunal spécial pour le Liban a reçu d’abord le soutien d’une importante partie des pays arabes. Ces pays-là ont exprimé ce soutien par le rôle financier qu’ils y jouent. » D’ailleurs, et concernant le volet purement financier, les Pays-Bas prendront en charge la location des locaux. De plus, « la question des prisonniers et du lieu où ils purgeront leur peine n’a pas encore été réglée définitivement. Mais ce qui est sûr, c’est que cette peine éventuelle ne sera pas purgée aux Pays-Bas. D’autres pays devront assumer cette responsabilité », indique enfin l’ambassadeur.Propos recueillis par Lélia MEZHER
C’est au milieu de mesures de sécurité draconiennes dignes d’un film à suspense que l’ambassadeur des Pays-Bas, Robert Zeldenrust, accepte de nous recevoir dans son bureau baigné de lumière qui surplombe Achrafieh. Robert Zeldenrust est en poste à Beyrouth depuis septembre 2007, après avoir passé 7 ans en Belgique, où, « comme vous le savez, il y a des communautés linguistiques différentes et pas mal de problèmes entre elles », affirme-t-il avec un sourire. À Bruxelles, M. Zeldenrust a travaillé pendant 3 ans au sein du pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-Est, une organisation qui avait été mise en place au lendemain de la guerre du Kosovo, « une région qui, à l’instar du Liban, est composée de plusieurs communautés », rappelle-t-il également. « Dans un passé plus lointain, j’étais au Sri Lanka », ajoute-t-il, avant de noter que « c’est peut-être pour toutes ces raisons que mon gouvernement a décidé que je ferai du bon travail à Beyrouth ». Depuis que Robert Zeldenrust est à Beyrouth, le pays s’enlise chaque jour davantage dans une crise politique sans précédent. Quelles impressions s’est-il forgées depuis son arrivée ? « Vous savez, je suis arrivé il y a 6 mois environ, je suis encore en train de m’informer et donc à ce stade, je n’ai réellement que des impressions sur la situation » qui prévaut au Liban. « Peu de gens ici ne s’intéressent pas à la crise politique, mais en même temps, on continue à vivre. Les Libanais ont une capacité de résilience incroyable, chose que j’admire, il faut le dire », affirme à cet égard Robert Zeldenrust. « Mais la question que je me pose, c’est dans quelle mesure existe-t-il un vrai rapport entre la population et les politiciens », s’interroge l’ambassadeur des Pays-Bas, avant de poursuivre en relevant qu’il lui est « difficile d’imaginer que la plupart des citoyens n’aspirent pas à vivre une vie normale, en bénéficiant des politiques socio-économiques auxquelles ils ont droit ». « J’espère qu’avec le compromis politique qui sera tôt ou tard trouvé, une nouvelle phase de politiques sociales pourra être entamée. Ces questions-là ne sont pas à mon avis, du moins pour le moment, suffisamment discutées. »Robert Zeldenrust n’était pas encore à Beyrouth le 5 février 2006, date tristement célèbre et à laquelle l’ambassade du Danemark a été attaquée suite à la publication, par un quotidien danois, des caricatures du prophète Mohammad. Mais il indique qu’à l’époque, une menace pesait également sur l’ambassade des Pays-Bas car « les gens ont parfois tendance à confondre les deux pays. Les deux sont assez petits, libéraux et assez généreux en assistance au développement et en matière d’aide humanitaire. Nous sommes “like-minded” comme on dirait en anglais et aux Pays-Bas, nous plaisantons de temps en temps sur la confusion que font certains entre notre pays et le Danemark. C’est vrai que vus de Chine ou d’Australie, les deux pays sont très proches. C’est en se basant sur cette possibilité de confusion qu’il existait des menaces contre notre ambassade ». Mais sur la liberté d’expression, pas question de transiger : « Nous y sommes très attachés », affirme d’emblée M. Zeldenrust, mais « nous comprenons ce type de problèmes puisqu’aux Pays-Bas nous sommes confrontés à des incidents de ce genre ». Faisant allusion au meurtre du réalisateur hollandais Theo Van Gogh, M. Zeldenrust rappelle qu’il existe dans son pays « une très importante communauté musulmane dont certains membres ne tolèrent pas facilement les critiques directes ». Or, un des films réalisés par Theo Van Gogh, Soumission, critique sévèrement les violences perpétrées à l’égard des femmes au sein des sociétés musulmanes. Toutefois, la détermination du gouvernement hollandais de réussir l’intégration des immigrés qui, pour la plupart, viennent des régions rurales du Maroc et de la Turquie ne semble pas entravée pour autant. « Il est important de privilégier la scolarisation de tous. Il y a un grand effort à faire des deux côtés. Il faut que les immigrés cherchent à s’intégrer, mais il faut aussi les aider. »Quid de la communauté libanaise aux Pays-Bas ? « Je ne dispose pas des chiffres exacts. J’ai moi-même posé la question à plusieurs reprises et je n’ai pas eu de réponse précise. Les estimations dont nous disposons tournent autour de quelques milliers, la plupart sont des binationaux. Ce qu’il faut souligner, c’est la facilité d’adaptation des Libanais à l’étranger. À Bruxelles, j’ai connu plusieurs Libanais et j’ai pu en discuter avec eux de cela. »Le Tribunal spécial pour le LibanLe 21 décembre 2007, les Pays-Bas décidaient d’accueillir le tribunal international, après que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, eut « sondé » plusieurs pays sur cette question, indique le diplomate, qui souligne qu’il n’y a pas eu de « refus » catégorique en provenance des autres pays qui avaient un temps été sollicités pour accueillir ce tribunal spécial. « Tout simplement, toutes les parties concernées se sont rendu compte que les Pays-Bas étaient le lieu le plus approprié pour accueillir cette instance onusienne », précise Robert Zeldenrust. « Les Pays-Bas sont préparés à ce genre de demande, ils en ont l’expérience », ajoute-t-il. Son pays abrite en effet la Cour internationale de justice depuis 1945, mais aussi, plus récemment, la Cour pénale internationale. Les Pays-Bas ont également accueilli le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ainsi qu’une branche spéciale du tribunal pour la Sierra Leone qui jugera l’ancien président Charles Taylor.En ce qui concerne le Liban, les Pays-Bas abriteront non seulement le bâtiment où se dérouleront les séances du procès, mais également « les suspects », rappelle l’ambassadeur. Est-il difficile pour un pays de gérer l’organisation, et surtout, la sécurité d’une telle instance et d’un tel procès, dont le poids politique n’est plus à démontrer ? « Je ne crois pas que cette gestion soit de tout repos. Toutefois, la décision prise par mon gouvernement d’accueillir le Tribunal spécial pour le Liban n’a pas fait de vagues aux Pays-Bas. Bien sûr, ce dossier a été présenté au Parlement, mais cela n’a pas suscité d’émoi particulier. » Les Pays-Bas ont donc en quelque sorte une vocation qui pourrait être qualifiée de « naturelle » dans ce domaine, puisque ce pays a acquis « une certaine expérience avec le tribunal pour l’ex-Yougoslavie et la Sierra Leone ». « Nous avons acquis un savoir-faire dans la question », remarque Robert Zeldenrust.Il reste que la question du Tribunal spécial pour le Liban est « une responsabilité internationale et libanaise. Le Liban y joue aussi un rôle important, voire de premier plan ». Petite précision que tient à mettre en relief Robert Zeldenrust : « Certains ont tendance à vouloir présenter ce tribunal comme une affaire occidentale. Or, cela est faux. Le Tribunal spécial pour le Liban a reçu d’abord le soutien d’une importante partie des pays arabes. Ces pays-là ont exprimé ce soutien par le rôle financier qu’ils y jouent. » D’ailleurs, et concernant le volet purement financier, les Pays-Bas prendront en charge la location des locaux. De plus, « la question des prisonniers et du lieu où ils purgeront leur peine n’a pas encore été réglée définitivement. Mais ce qui est sûr, c’est que cette peine éventuelle ne sera pas purgée aux Pays-Bas. D’autres pays devront assumer cette responsabilité », indique enfin l’ambassadeur.Propos recueillis par Lélia MEZHER
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