L'Orient le jour - Le tribunal se fait réalité, et Damas ne peut plus livrer qu’un combat de retardement, 29 fevrier 2008
L'article de Émile KHOURY
Rouges, noirs, blancs, verts ou bleus, les œufs de Pâques syriens sont multicolores. Mais tous rangés dans un même panier à l’anse dansante. Un panier étiqueté « tribunal international ». C’est-à-dire, traduit un ministre, que les machinations damascènes diversifiées, politiques ou sécuritaires, ont essentiellement pour but de neutraliser cette haute instance judiciaire. Capable, ou coupable, de clouer le régime syrien au pilori, directement ou à travers ses exécuteurs de basse besogne. Pour l’assassinat du président Hariri et de ses compagnons de martyre, qui se comptent par dizaines. Comme pour l’abominable série d’attentats et de crimes enregistrés au Liban depuis lors.Cette priorité, cette urgence, prend le pas même sur le plan visant à récupérer la tutelle politique. Car, avec les progrès de la mise en place du tribunal aux Pays-Bas, la menace se rapproche, se précise, pointe même à l’horizon du tout prochain printemps, puisque l’acte d’accusation devrait être publié en avril. Dans la foulée des conclusions définitives de la commission d’enquête, attendues en mars. Un document qui a toutes les chances de conforter, preuves et indices à l’appui, toutes les présomptions accablantes déjà évoquées au sujet du rôle syrien dans les précédents rapports d’étape.Paraphrasant saint Augustin, le régime syrien se dit en effet qu’il ne lui servirait à rien de gagner le monde s’il venait à perdre son âme. C’est-à-dire sinon son existence même, du moins les fidèles servants, pivots des SR notamment, qui assurent sa puissance, son pouvoir, et constituent son meilleur bouclier intérieur.Washington et New YorkDe plus, la lutte dite des axes s’y mêle étroitement. Conscient de l’effroi syrien, Washington met le paquet et reporte beaucoup de ses jetons sur la case tribunal. L’on entend ainsi son représentant à l’ONU, Zalmay Khalilzad, marteler qu’il a reçu stricte consigne « de multiplier en personne les démarches afin d’accélérer le démarrage de la cour ». « Dans ce cadre, rappelle et souligne le diplomate, les États-Unis doublent leur contribution financière, qui passe de sept à quatorze millions de dollars. Le statut édicte en effet que le tribunal ne peut entamer ses travaux qu’une fois les frais effectifs du premier exercice annuel bien assurés. Ces dépenses incluent naturellement la prise en charge et l’aménagement des locaux retenus dans la banlieue de La Haye, pour un coût de quelque 12 millions de dollars. Plafond élevé justifié par la nécessité d’un redécoupage des surfaces, en fonction des différents prétoires ou salles à prévoir, ainsi que pour des pièces réservées à la détention des prévenus. »Il reste que, techniquement, « la procédure ne sera pas facile, mais elle suit inéluctablement son cours », avertit Khalilzad. En concluant sur ce message d’une clarté aveuglante : « Naturellement, cela préoccupe des parties qui pensaient que le tribunal ne verrait pas le jour. Ou encore, qu’il serait toujours possible de le contourner. Or nous voici aujourd’hui devant un fait de considérable importance qui se fait réalité. Certains ont pu nous reprocher d’aller lentement et force leur est de constater qu’ils ont eu tort. D’autres, redisons-le, s’inquiètent de voir que nous allons si vite en besogne et que nous avons réalisé tant de progrès. » Est-il besoin de le souligner, ce « nous » qu’utilise le diplomate cité montre à quel point les USA se sont approprié la question.Le tribunal en juinAu grand dam de Damas, Nicolas Michel, officier traitant du dossier pour le compte de l’ONU, se montre encore plus pressé que le délégué US. Contrairement à ce dernier, qui prédit le coup d’envoi pour l’an prochain, Michel affirme en effet qu’il aura lieu dès juin prochain.La différence vient sans doute du fait que Washington, impliqué dans le vif du conflit, prend en compte les possibilités de freinage syrien à travers l’exploitation de la crise interne libanaise. Tout comme à travers la mauvaise volonté que certains contributeurs mettraient à acquitter leur écot dans des délais rapprochés. Il s’agirait éventuellement de puissances amies de la Syrie, comme la Russie qui a promis de participer au financement du tribunal sans qu’on sache encore si elle l’a fait. Les autres sponsors sont l’Arabie saoudite, les Émirats, le Koweït et la France. Il faut du temps, et parfois des rappels à l’ordre, pour collecter ces diverses cotisations. Il faut aussi du temps pour les dispositions administratives et les nominations. Ce qui fait que la publication de l’acte d’accusation et l’ouverture des débats pourraient bien n’avoir lieu qu’en 2009, comme le prévoit Khalilzad.Enfin, le réalisme commande de s’attendre à un relâchement de la pression US au cas où la Syrie mettrait de l’eau dans son vin par rapport à certaines exigences qui lui sont présentées. Dans des dossiers régionaux comme son alliance avec l’Iran, ses relations avec Le Caire et Ryad, la Palestine, l’Irak. Et le Liban, présidentielle en tête. Mais, même si c’était le cas et même avec un retard accru, le tribunal est bien en marche. Comme l’assurent, cette fois d’une même voix, Khalilzad et Michel.
Rouges, noirs, blancs, verts ou bleus, les œufs de Pâques syriens sont multicolores. Mais tous rangés dans un même panier à l’anse dansante. Un panier étiqueté « tribunal international ». C’est-à-dire, traduit un ministre, que les machinations damascènes diversifiées, politiques ou sécuritaires, ont essentiellement pour but de neutraliser cette haute instance judiciaire. Capable, ou coupable, de clouer le régime syrien au pilori, directement ou à travers ses exécuteurs de basse besogne. Pour l’assassinat du président Hariri et de ses compagnons de martyre, qui se comptent par dizaines. Comme pour l’abominable série d’attentats et de crimes enregistrés au Liban depuis lors.Cette priorité, cette urgence, prend le pas même sur le plan visant à récupérer la tutelle politique. Car, avec les progrès de la mise en place du tribunal aux Pays-Bas, la menace se rapproche, se précise, pointe même à l’horizon du tout prochain printemps, puisque l’acte d’accusation devrait être publié en avril. Dans la foulée des conclusions définitives de la commission d’enquête, attendues en mars. Un document qui a toutes les chances de conforter, preuves et indices à l’appui, toutes les présomptions accablantes déjà évoquées au sujet du rôle syrien dans les précédents rapports d’étape.Paraphrasant saint Augustin, le régime syrien se dit en effet qu’il ne lui servirait à rien de gagner le monde s’il venait à perdre son âme. C’est-à-dire sinon son existence même, du moins les fidèles servants, pivots des SR notamment, qui assurent sa puissance, son pouvoir, et constituent son meilleur bouclier intérieur.Washington et New YorkDe plus, la lutte dite des axes s’y mêle étroitement. Conscient de l’effroi syrien, Washington met le paquet et reporte beaucoup de ses jetons sur la case tribunal. L’on entend ainsi son représentant à l’ONU, Zalmay Khalilzad, marteler qu’il a reçu stricte consigne « de multiplier en personne les démarches afin d’accélérer le démarrage de la cour ». « Dans ce cadre, rappelle et souligne le diplomate, les États-Unis doublent leur contribution financière, qui passe de sept à quatorze millions de dollars. Le statut édicte en effet que le tribunal ne peut entamer ses travaux qu’une fois les frais effectifs du premier exercice annuel bien assurés. Ces dépenses incluent naturellement la prise en charge et l’aménagement des locaux retenus dans la banlieue de La Haye, pour un coût de quelque 12 millions de dollars. Plafond élevé justifié par la nécessité d’un redécoupage des surfaces, en fonction des différents prétoires ou salles à prévoir, ainsi que pour des pièces réservées à la détention des prévenus. »Il reste que, techniquement, « la procédure ne sera pas facile, mais elle suit inéluctablement son cours », avertit Khalilzad. En concluant sur ce message d’une clarté aveuglante : « Naturellement, cela préoccupe des parties qui pensaient que le tribunal ne verrait pas le jour. Ou encore, qu’il serait toujours possible de le contourner. Or nous voici aujourd’hui devant un fait de considérable importance qui se fait réalité. Certains ont pu nous reprocher d’aller lentement et force leur est de constater qu’ils ont eu tort. D’autres, redisons-le, s’inquiètent de voir que nous allons si vite en besogne et que nous avons réalisé tant de progrès. » Est-il besoin de le souligner, ce « nous » qu’utilise le diplomate cité montre à quel point les USA se sont approprié la question.Le tribunal en juinAu grand dam de Damas, Nicolas Michel, officier traitant du dossier pour le compte de l’ONU, se montre encore plus pressé que le délégué US. Contrairement à ce dernier, qui prédit le coup d’envoi pour l’an prochain, Michel affirme en effet qu’il aura lieu dès juin prochain.La différence vient sans doute du fait que Washington, impliqué dans le vif du conflit, prend en compte les possibilités de freinage syrien à travers l’exploitation de la crise interne libanaise. Tout comme à travers la mauvaise volonté que certains contributeurs mettraient à acquitter leur écot dans des délais rapprochés. Il s’agirait éventuellement de puissances amies de la Syrie, comme la Russie qui a promis de participer au financement du tribunal sans qu’on sache encore si elle l’a fait. Les autres sponsors sont l’Arabie saoudite, les Émirats, le Koweït et la France. Il faut du temps, et parfois des rappels à l’ordre, pour collecter ces diverses cotisations. Il faut aussi du temps pour les dispositions administratives et les nominations. Ce qui fait que la publication de l’acte d’accusation et l’ouverture des débats pourraient bien n’avoir lieu qu’en 2009, comme le prévoit Khalilzad.Enfin, le réalisme commande de s’attendre à un relâchement de la pression US au cas où la Syrie mettrait de l’eau dans son vin par rapport à certaines exigences qui lui sont présentées. Dans des dossiers régionaux comme son alliance avec l’Iran, ses relations avec Le Caire et Ryad, la Palestine, l’Irak. Et le Liban, présidentielle en tête. Mais, même si c’était le cas et même avec un retard accru, le tribunal est bien en marche. Comme l’assurent, cette fois d’une même voix, Khalilzad et Michel.
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