L'Orient le jour - L’apport du tribunal spécial au droit pénal international est occulté par la controverse politique, souligne Chucri Sader, 23 octobre 2007
Invité à prendre la parole au dîner des anciens de Jamhour, samedi dernier, le juge Chucri Sader se trouve à New York « à titre strictement privé ». Sa présence à New York coïncide cependant avec les dates des 22 et 23 octobre fixées pour les pourparlers entre le président Antoine Khair, représentant du gouvernement libanais, et Nicolas Michel, secrétaire général adjoint pour les Affaires légales de l’ONU, pour la désignation des juges et le procureur du tribunal spécial pour le Liban. « Un pur hasard », assure-t-il.« Ma présence à New York est une pure coïncidence, je n’ai absolument rien à voir avec la mission dont le président Khair est investi », insiste M. Sader dans un entretien exclusif accordé à L’Orient-Le Jour. « Il faut bien le souligner et détromper les médias qui affirment que nous sommes ensemble à New York pour discuter du tribunal », enchaîne-t-il. Ce que M. Sader déplore également, c’est que l’approche technique et légale du tribunal et son apport à la justice internationale ne soient pas appréciés à leur juste valeur. « Ce dont on parle le plus au Liban, c’est de l’aspect politique du tribunal », regrette-t-il. Refusant pour sa part de « faire de la politique », le magistrat met l’accent sur l’apport juridique du tribunal spécial à la lutte contre le terrorisme, en particulier au droit pénal international. Il souligne à ce sujet que le tribunal est « le fruit d’une longue expérience en matière de tribunaux internationaux ».Sur l’aspect technique du tribunal, Chucri Sader précise que les juges qui l’ont créé « ont évité les inconvénients et la lenteur de ce type de tribunal, et ont voulu un tribunal efficace reposant sur un mélange de droit civil et de “Common Law” ». Ce faisant, ils ont quand même accordé les garanties les plus solides aux suspects et aux inculpés, en créant un bureau de défense. Par ailleurs, ils ont unifié les procédures, contrairement à ce qui se passe dans le système de la « Common Law ». Et M. Sader de clarifier : « Les prérogatives du procureur sous la “Common Law” ont été maintenues. Ainsi le procureur mène les investigations et engage des poursuites. Dans le système français, le procureur lance les poursuites, mais c’est le juge d’instruction qui mène l’enquête. Nous avons choisi le système de la Common Law, plus adapté à ce type de tribunal. En échange, nous faisons un “mégaprocès” à tous les suspects. Cet aspect des choses est emprunté au droit français avec, bien entendu, les jugements par contumace, c’est-à-dire in absentia. Ce mélange des genres constitue un apport nouveau à la justice internationale. »Faire avancer les chosesPar ailleurs, Chucri Sader constate que l’ONU est déterminée à « faire avancer les choses ». Le tribunal spécial « se met assez rapidement en place » dit-il. « Tout dépend du résultat de l’enquête Brammertz », note-t-il.En ce qui concerne le départ du chef de la commission d’enquête internationale, Serge Brammertz, prévu pour le 31 décembre prochain, Chucri Sader estime qu’il sera « remplacé soit par un autre magistrat, soit directement par le procureur qui sera affecté au tribunal spécial ». Arrive-t-on à la fin de l’enquête ? « Je n’ai aucune idée de l’état de l’enquête », indique-t-il. « Ce que je puis dire à ce propos, enchaîne-t-il, est le fruit de déductions que je fais à la lecture des rapports successifs de M. Brammertz. Je pense que l’enquête a relativement progressé, comme l’a d’ailleurs souligné Serge Brammertz lui-même. Mais je ne pense pas qu’il révélera les noms de suspects. Ces conclusions seront livrées directement au procureur du tribunal. Brammertz ne violera jamais le secret de l’instruction. C’est un homme qui connaît son métier et il se tiendra toujours à ce qui peut être dit en public. »En ce qui concerne la visite du président Antoine Khair à New York, Chucri Sader rappelle qu’il « s’est réuni avec Nicolas Michel en vertu du paragraphe C de l’article 2 de la convention entre le Liban et les Nations unies qui prévoit des consultations entre le gouvernement libanais et le secrétaire général de l’ONU pour la nomination des juges ». « Mais il ne va certainement pas intervenir dans la nomination des juges », a-t-il précisé. Bien entendu, il doit être informé de la procédure qui sera suivie pour les nomination. Où se feront les interviews ? Sur quelle base se feront-elles ? Les interviews avec les douze candidats libanais à New York ne risquent-elles pas d’être coûteuses pour l’État libanais ? Un autre processus est-il envisageable ? Tous ces points seront discutés par le président Khair, mais il n’interviendra certainement pas dans la sélection les juges. »L’existence du tribunalLe nom de Chucri Sader figure-t-il parmi les douze noms des juges libanais ? « Les douze noms ont été choisis par le Conseil supérieur de la magistrature qui les a tenus secrets par mesure de sécurité. Je suis membre du CSM. Par conséquent, je figure parmi les personnes qui ont participé à la sélection de ces douze juges. Par éthique, je ne peux rien dire là-dessus », a indiqué Chucri Sader. Certain que le tribunal « finira par siéger », Sader affirme : « Pour qu’il juge les inculpés, il faut qu’il y en ait. Tout dépend donc des résultats de l’enquête. » En l’absence d’inculpés, que fera le tribunal ? La question doit rester sans réponse jusqu’à la mise sur pied du tribunal. « Le mandat du tribunal spécial est de trois ans, renouvelable annuellement d’un commun accord entre le gouvernement libanais et l’ONU. La date de la mise sur pied du tribunal sera fixée par le secrétaire général de l’ONU. Aujourd’hui, il n’existe pas encore », conclut Chucri Sader.
Invité à prendre la parole au dîner des anciens de Jamhour, samedi dernier, le juge Chucri Sader se trouve à New York « à titre strictement privé ». Sa présence à New York coïncide cependant avec les dates des 22 et 23 octobre fixées pour les pourparlers entre le président Antoine Khair, représentant du gouvernement libanais, et Nicolas Michel, secrétaire général adjoint pour les Affaires légales de l’ONU, pour la désignation des juges et le procureur du tribunal spécial pour le Liban. « Un pur hasard », assure-t-il.« Ma présence à New York est une pure coïncidence, je n’ai absolument rien à voir avec la mission dont le président Khair est investi », insiste M. Sader dans un entretien exclusif accordé à L’Orient-Le Jour. « Il faut bien le souligner et détromper les médias qui affirment que nous sommes ensemble à New York pour discuter du tribunal », enchaîne-t-il. Ce que M. Sader déplore également, c’est que l’approche technique et légale du tribunal et son apport à la justice internationale ne soient pas appréciés à leur juste valeur. « Ce dont on parle le plus au Liban, c’est de l’aspect politique du tribunal », regrette-t-il. Refusant pour sa part de « faire de la politique », le magistrat met l’accent sur l’apport juridique du tribunal spécial à la lutte contre le terrorisme, en particulier au droit pénal international. Il souligne à ce sujet que le tribunal est « le fruit d’une longue expérience en matière de tribunaux internationaux ».Sur l’aspect technique du tribunal, Chucri Sader précise que les juges qui l’ont créé « ont évité les inconvénients et la lenteur de ce type de tribunal, et ont voulu un tribunal efficace reposant sur un mélange de droit civil et de “Common Law” ». Ce faisant, ils ont quand même accordé les garanties les plus solides aux suspects et aux inculpés, en créant un bureau de défense. Par ailleurs, ils ont unifié les procédures, contrairement à ce qui se passe dans le système de la « Common Law ». Et M. Sader de clarifier : « Les prérogatives du procureur sous la “Common Law” ont été maintenues. Ainsi le procureur mène les investigations et engage des poursuites. Dans le système français, le procureur lance les poursuites, mais c’est le juge d’instruction qui mène l’enquête. Nous avons choisi le système de la Common Law, plus adapté à ce type de tribunal. En échange, nous faisons un “mégaprocès” à tous les suspects. Cet aspect des choses est emprunté au droit français avec, bien entendu, les jugements par contumace, c’est-à-dire in absentia. Ce mélange des genres constitue un apport nouveau à la justice internationale. »Faire avancer les chosesPar ailleurs, Chucri Sader constate que l’ONU est déterminée à « faire avancer les choses ». Le tribunal spécial « se met assez rapidement en place » dit-il. « Tout dépend du résultat de l’enquête Brammertz », note-t-il.En ce qui concerne le départ du chef de la commission d’enquête internationale, Serge Brammertz, prévu pour le 31 décembre prochain, Chucri Sader estime qu’il sera « remplacé soit par un autre magistrat, soit directement par le procureur qui sera affecté au tribunal spécial ». Arrive-t-on à la fin de l’enquête ? « Je n’ai aucune idée de l’état de l’enquête », indique-t-il. « Ce que je puis dire à ce propos, enchaîne-t-il, est le fruit de déductions que je fais à la lecture des rapports successifs de M. Brammertz. Je pense que l’enquête a relativement progressé, comme l’a d’ailleurs souligné Serge Brammertz lui-même. Mais je ne pense pas qu’il révélera les noms de suspects. Ces conclusions seront livrées directement au procureur du tribunal. Brammertz ne violera jamais le secret de l’instruction. C’est un homme qui connaît son métier et il se tiendra toujours à ce qui peut être dit en public. »En ce qui concerne la visite du président Antoine Khair à New York, Chucri Sader rappelle qu’il « s’est réuni avec Nicolas Michel en vertu du paragraphe C de l’article 2 de la convention entre le Liban et les Nations unies qui prévoit des consultations entre le gouvernement libanais et le secrétaire général de l’ONU pour la nomination des juges ». « Mais il ne va certainement pas intervenir dans la nomination des juges », a-t-il précisé. Bien entendu, il doit être informé de la procédure qui sera suivie pour les nomination. Où se feront les interviews ? Sur quelle base se feront-elles ? Les interviews avec les douze candidats libanais à New York ne risquent-elles pas d’être coûteuses pour l’État libanais ? Un autre processus est-il envisageable ? Tous ces points seront discutés par le président Khair, mais il n’interviendra certainement pas dans la sélection les juges. »L’existence du tribunalLe nom de Chucri Sader figure-t-il parmi les douze noms des juges libanais ? « Les douze noms ont été choisis par le Conseil supérieur de la magistrature qui les a tenus secrets par mesure de sécurité. Je suis membre du CSM. Par conséquent, je figure parmi les personnes qui ont participé à la sélection de ces douze juges. Par éthique, je ne peux rien dire là-dessus », a indiqué Chucri Sader. Certain que le tribunal « finira par siéger », Sader affirme : « Pour qu’il juge les inculpés, il faut qu’il y en ait. Tout dépend donc des résultats de l’enquête. » En l’absence d’inculpés, que fera le tribunal ? La question doit rester sans réponse jusqu’à la mise sur pied du tribunal. « Le mandat du tribunal spécial est de trois ans, renouvelable annuellement d’un commun accord entre le gouvernement libanais et l’ONU. La date de la mise sur pied du tribunal sera fixée par le secrétaire général de l’ONU. Aujourd’hui, il n’existe pas encore », conclut Chucri Sader.
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