NEW YORK, de notre correspondante Sylviane ZÉHIL
Le onzième rapport d’étape de la commission d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri fait état de nouveaux indices permettant d’établir un lien entre « de nouveaux individus » et le réseau qui aurait planifié et exécuté l’attentat du 14 février 2005. Un lien avec un autre attentat aurait également été établi.
Le juge canadien Daniel Bellemare, président de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri, a remis hier au président du Conseil de sécurité, par le biais du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le onzième rapport d’étape sur le cours des investigations entreprises dans l’affaire Hariri et dans les 20 autres assassinats et attentats perpétrés depuis octobre 2004 (il s’agit du deuxième rapport soumis par le juge Bellemare depuis qu’il a pris en charge ses fonctions le 1er janvier 2008 ; il avait remis son premier rapport le 28 mars 2008). Ce rapport intervient alors que le mandat de la commission d’enquête expire à la fin du mois en cours. Il sera renouvelé pour une période de deux mois, jusqu’au 28 février 2009. Le 1er mars 2009, le tribunal spécial sur le Liban prendra la relève et le juge Bellemare prendra en charge les fonctions de procureur du tribunal spécial. Cette phase transitoire de deux mois sera mise à profit pour, d’une part, permettre à la commission d’enquête de mener un surcroît d’investigations sous le chapitre VII (qui oblige les États à collaborer), et d’autre part assurer une transition en douceur entre la commission et le tribunal de manière à ce que ce dernier soit fonctionnel le 1er mars.
Comme prévu, le rapport remis hier ne rentre pas dans les détails de l’enquête et ne cite aucun suspect afin de préserver la sécurité des témoins et d’assurer le secret de l’investigation. Deux éléments nouveaux sont apparus dans ce onzième rapport : la commission révèle ainsi qu’elle a acquis de nouvelles données qui pourraient lui permettre d’établir un lien entre « de nouveaux individus » et le réseau qui a planifié et exécuté l’assassinat de Rafic Hariri (le « réseau Hariri » dont il est fait état dans le dixième rapport d’étape). La commission d’enquête indique en outre que les investigations laissent supposer qu’il pourrait y avoir un lien entre l’affaire Hariri et « une nouvelle affaire supplémentaire » (un attentat qui n’est pas mentionné dans le document). Le rapport souligne, par ailleurs, que l’enquête a permis de dévoiler des indices qui aident à identifier l’origine géographique possible du kamikaze qui a exécuté l’attentat du 14 février 2005.
En dehors de ces trois éléments, au demeurant essentiels, le onzième rapport se contente d’évoquer des généralités relatives aux circonstances et aux conditions dans lesquelles se déroule l’enquête. Le juge Bellemare a toutefois tenu à bien mettre l’accent sur le fait que le coup d’envoi du tribunal spécial pour le Liban, le 1er mars 2009, ne signifie nullement que les investigations auront été nécessairement achevées. Le rapport souligne à ce propos qu’un supplément d’enquête pourrait être nécessaire après le début des travaux du tribunal. Cela signifie que l’acte d’accusation pourrait ne pas être rendu public en mars prochain et pourrait même être reporté un certain laps de temps, dans l’attente que les fondements des investigations soient suffisamment solides.
Le président du Conseil de sécurité, le représentant de la Croatie, Neven Jurica, a indiqué hier à la presse que le Conseil entendra demain, jeudi, l’exposé de Patrick O’Brien, secrétaire générale adjointe aux Affaires juridiques, sur la mise en place du tribunal en application de la résolution 1757. Daniel Bellemare sera à New York le 11 décembre et présentera son rapport devant les membres du Conseil de sécurité lors d’un débat prévu le 16 décembre. « Son mandat sera renouvelé par le Conseil », a affirmé hier Neven Jurica.
Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de ce onzième rapport.
Introduction
En avril 2005, après l’assassinat de Rafic Hariri, le Conseil de sécurité a décidé d’établir une commission d’enquête indépendante afin d’apporter une aide aux autorités libanaises dans leurs investigations au sujet des différents aspects de cet acte terroriste. L’approche du Conseil de sécurité à cette époque portait sur le fait que l’enquête devait être menée par les autorités libanaises avec le concours de la commission, les procès devant être du ressort des tribunaux libanais. En 2007, cette approche a changé. À la demande du gouvernement libanais, le Conseil de sécurité a créé une instance internationale, le Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal »), avec un double mandat : mener l’enquête et juger les responsables de l’assassinat de Hariri et des autres attentats qui y sont liés. Le 30 novembre 2008, le secrétaire général a déclaré que le Tribunal spécial pour le Liban sera opérationnel le 1er mars 2009. Cela signifie qu’à partir de cette date, l’enquête sera menée par le procureur du Tribunal, à La Haye.
Un travail intensif a déjà été effectué au niveau de l’enquête, mais la commission – et le procureur, lorsqu’il prendra en charge ses fonctions – doit continuer à rassembler des preuves qui pourraient consolider l’inculpation. Le momentum de l’enquête doit être maintenu durant la transition entre la commission et le Tribunal. Afin que l’interruption soit réduite à son minimum durant la phase transitoire, la commission estime qu’une prolongation de son mandat jusqu’à l’entrée en fonction du Tribunal permettra à l’enquête de se poursuivre sans interruption.
La commission est consciente du fait que le coup d’envoi du Tribunal et l’installation à La Haye ont accru considérablement les attentes selon lesquelles l’inculpation et la désignation des responsables de l’assassinat seront rendues publiques dès le début des travaux du Tribunal. Ces attentes sont compréhensibles, mais le coup d’envoi du Tribunal ne signifie pas que l’enquête a été achevée. La commission partage les frustrations du peuple libanais concernant l’incertitude portant sur le délai nécessaire pour clore l’enquête. Mais la commission doit rester fidèle à son obligation d’être guidée uniquement par les faits et les preuves, conformément aux critères internationaux. Alors qu’elle s’apprête à se déplacer à La Haye, la commission estime que pour gagner l’adhésion du peuple libanais et de la communauté internationale, elle se doit d’inspirer confiance au public pour ce qui a trait à son indépendance et son professionnalisme. La confiance publique envers la commission et le Tribunal aidera aussi les gens à se sentir en sécurité lorsqu’ils seront approchés pour témoigner de ce qu’ils savent. Cela aidera de la sorte à mettre un terme à l’impunité au Liban. Les victimes doivent également se sentir en confiance au sujet du processus suivi ; et à cette fin, la commission a accordé une importance particulière à la sécurité des victimes.
Dans le registre de la confiance publique, la commission a besoin de partenaires. Les médias, plus particulièrement les médias libanais, ont un rôle-clé à jouer sur ce plan. La commission veillera à s’assurer qu’à travers la presse, le public est informé correctement de la nature des travaux de la commission et des étapes à venir prévues.
I- L’environnement (de l’action de la commission)
Durant la période couverte par ce rapport (depuis fin mars 2008), le climat ambiant a été marqué par des actes de violence en mai 2008. Durant cette période, l’action de la commission a été sérieusement entravée. Les entrevues et les investigations prévues ont dû être ajournées. Après les événements de mai, des actes de violence sporadiques se sont produits dans différentes régions du pays. Au cours des dernières semaines, la situation sécuritaire s’est améliorée, mais les conditions de sécurité au Liban et dans la région demeurent fragiles. Par voie de conséquence, les déplacements du personnel de la commission demeurent limités dans certaines régions.
II- Les progrès dans l’enquête
Un environnement sécurisé pour la coopération
La commission est consciente du rôle essentiel joué par les témoins et de l’importance d’identifier des personnes susceptibles de témoigner lors des procès. Par voie de conséquence, la commission a amélioré les procédures permettant d’assurer un environnement sécurisé à tout témoin potentiel qui serait physiquement en danger. Conformément à ces procédures, les personnes qui seraient en possession d’informations importantes et dont le témoignage sera requis devront être protégées si la commission estime qu’elles sont en danger. Un certain nombre de pays contactés par la commission ont indiqué qu’ils sont prêts à accueillir des témoins qui devraient bénéficier d’une protection.
Les défis auxquels fait face l’enquête
Au cours de la période couverte par ce rapport, un certain nombre d’obstacles se sont répercutés sur le progrès de l’enquête. La commission a d’abord été confrontée à des difficultés pour obtenir des informations sensibles. La commission réclame fréquemment l’assistance de certains États membres (de l’ONU) pour obtenir des informations spécifiques. La commission est consciente du poids que représente pour les États la réponse à ces requêtes. La majorité de ces requêtes sont satisfaites dans des délais acceptables, mais les réponses incomplètes et fournies en retard ralentissent les investigations. Par ailleurs, la commission a besoin d’un nombre supplémentaire d’experts dans certains domaines.
Les progrès enregistrés depuis le dernier rapport
Au cours de la période couverte par le rapport, certaines informations recueillies se sont avérées crédibles et ont débouché sur un surcroît d’investigations. Ceux qui ont commandité ces attentats sont professionnels et ont pris d’importantes mesures pour camoufler leur acte et leur identité. Une grande part des efforts de la commission, à ce stade de l’enquête, vise à éliminer ces écrans de fumée pour dévoiler la vérité.
L’enquête sur l’affaire Hariri
Durant la période concernée, la commission a mené des études médico-légales, rassemblant et analysant des informations provenant de diverses sources. Elle a aussi mené 288 entrevues. Des progrès ont été enregistrés. Toutefois, dévoiler certains aspects de ces progrès reviendrait à dévoiler l’identité des personnes qui pourraient avoir des informations en rapport avec l’investigation, ce qui mettrait leur vie en danger. Dans le dernier rapport, la commission a souligné qu’elle avait rassemblé des preuves selon lesquelles un réseau d’individus, le « réseau Hariri », a agi de concert pour exécuter l’assassinat de Rafic Hariri. À la suite des investigations et d’un travail d’analyse, la commission a mis en évidence de nouveaux éléments d’information qui pourraient permettre à la commission d’établir un lien entre de nouveaux individus et ce réseau. Des informations concordantes ont été obtenues de diverses sources. Cela a renforcé les conclusions de la commission selon lesquelles les membres du réseau Hariri sont liés à d’autres attentats.
La commission a poursuivi son enquête en vue de l’identification du kamikaze qui a exécuté l’attentat contre Hariri. Des échantillons de terre, de sable et d’eau ont été recueillis de certains pays de la région, en sus d’études isotopiques. Les résultats de ces travaux aident à identifier la possible origine géographique du kamikaze. La commission s’est penchée en outre sur les transactions financières qui pourraient être liées à l’attentat.
Les autres investigations
La commission a un mandat pour aider les autorités libanaises dans les investigations en rapport avec 20 attentats, autres que celui de Hariri. Les enquêtes concernant ces affaires consolident l’enquête dans l’affaire Hariri. Dans son précédent rapport, la commission a souligné que le réseau Hariri, ou une partie de ce réseau, est lié à certaines autres affaires relevant du mandat de la commission. Depuis, la commission a découvert de nouveaux éléments corroborant ces liens. La commission a également identifié un lien potentiel entre une nouvelle affaire et le cas Hariri. Un rapport comparant les explosifs utilisés dans l’affaire Hariri et dans d’autres affaires est attendu sous peu. Il pourrait révéler des liens supplémentaires. Les résultats de récentes études médico-légales ont révélé des informations relatives aux explosifs utilisés dans certains attentats. Les études médico-légales se rapportant à cinq attentats ciblés ont révélé de nouveaux profils d’ADN et des empreintes recueillies sur les véhicules et d’autres objets utilisés dans les attentats. Ces nouveaux résultats ont accru le nombre total d’empreintes et de profils d’ADN recueillis sur des objets qui auraient été manipulés par ceux qui ont exécuté les crimes.
La commission a en outre pris possession d’une arme qui aurait été utilisée dans l’assassinat du ministre Pierre Gemayel. Cette arme a été envoyée à un laboratoire étranger. Les résultats sont attendus dans les prochaines semaines.
Des investigations supplémentaires doivent encore être effectuées dans toutes les affaires qui relèvent du mandat de la commission. Le procureur devra donc poursuivre ses investigations concernant ces affaires afin de déterminer lesquelles d’entre elles sont liées au cas Hariri.
III- La coopération avec les autorités locales et internationales
Les autorités libanaises
La commission maintient des contacts réguliers et étroits avec les autorités libanaises au sujet de questions en rapport avec l’enquête. La commission exprime sa gratitude aux forces de sécurité libanaises pour la protection continue qu’elles apportent au personnel de la commission. Le procureur général du Liban demeure le principal interlocuteur de la commission. Depuis le dernier rapport, les demandes d’assistance faites aux autorités libanaises ont augmenté et sont devenues plus complexes.
La commission souligne qu’il est du seul ressort des autorités libanaises de maintenir en détention ou de libérer des individus. Dans ce cadre, la commission a continué à fournir aux autorités libanaises toutes les informations nécessaires concernant la question de la détention. La commission a également communiqué ses vues à ce propos au procureur de la République.
La République arabe syrienne
Depuis le dernier rapport, la commission a soumis 24 demandes d’assistance à la Syrie qui a répondu à ces requêtes dans les délais fixés par la commission. Durant la période en question, la Syrie a facilité le déroulement de neuf missions. La coopération des autorités syriennes reste globalement satisfaisante. La commission continuera à réclamer une totale coopération de la part de la Syrie.
Les autres États
Sur les 619 demandes d’assistance présentées par la commission au cours de la période considérée, 96 ont été adressées à 40 États membres (de l’ONU), autres que le Liban et la Syrie.
IV. La transition
Durant la période transitoire (d’ici jusqu’au coup d’envoi du Tribunal), la commission transférera graduellement ses opérations, son personnel et ses biens à La Haye de manière à achever cette transition lorsque le Tribunal entrera en fonction. Le président de la commission prendra alors en charge ses fonctions de procureur et sera en charge des investigations. Aucune inculpation ne sera prononcée avant que le procureur aboutisse à la conclusion qu’il est en possession de suffisamment de preuves. C’est alors qu’il soumettra les inculpations au juge pour confirmation (de l’acte d’accusation).
PRESS REVIEW
L'Orient le jour - De nouveaux suspects liés au réseau impliqué dans l’assassinat de Rafic Hariri, December 3, 2008
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Background - خلفية
On 13 December 2005 the Government of the Lebanese Republic requested the UN to establish a tribunal of an international character to try all those who are alleged responsible for the attack of 14 february 2005 that killed the former Lebanese Prime Minister Rafiq Hariri and 22 others. The United Nations and the Lebanese Republic consequently negotiated an agreement on the establishment of the Special Tribunal for Lebanon.
Chronology - Chronologie
Détenus - Detainees - المعتقلون
International Criminal Justice
Videos - فيديو
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- IRIS Institute:La creation du TSL est-elle justifiee? - June 18, 2009
- Al Manar : Interview with Ali Hajj right after his release - April 30, 2009
- Al Manar: Summary of Jamil Al Sayyed's press conference, April 30, 2009
- AFP, Freed Lebanese prisoner speaks out - April 30, 2009
- OTV : exclusive interview with Jamil Sayyed - April 30, 2009
- Al Jazeeera English : Crowds celebrate Hariri suspects'release - April 29, 2009
- OTV : report about Ali el Hajj - March 18, 2009
Liens - Links - مواقع ذات صلة
The Washington Institute for Near East Policy, David Schenker , March 30, 2010 . Beirut Spring: The Hariri Tribunal Goes Hunting for Hizballah
Frederic Megret, McGill University, 2008. A special tribunal for Lebanon: the UN Security Council and the emancipation of International Criminal Justice
International Center for Transitional Justice Handbook on the Special Tribunal for Lebanon, April 10, 2008
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Conférence de presse de Nicolas Michel, 19 Sept 2007
Conférence de presse de Nicolas Michel, 27 Mars 2008
Département d'Etat américain
* 2009 Human Rights report
* 2008 Human Rights report
* 2007 Human Rights report
* 2006 Human Rights report
* 2005 Human Rights report
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The Hariri Tribunal: Separate the Political and the Judicial, 19 July, 2007. [Fr]
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Hariri, Homicide and the Hague
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* Hariri Tribunal can restore faith in law, 11 may 2006
* Letter to Secretary-General Kofi Annan, april 27, 2006
Amnesty International
* STL insufficient without wider action to combat impunity
* Liban : le Tribunal de tous les dangers, mai 2007
* Jeu de mecano
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Nadim Shedadi and Elizabeth Wilmshurt, Chatham House
The Special Tribunal for Lebanon : the UN on Trial?, July 2007
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International Tribunals, National Crimes and the Hariri Assassination : a novel development in International Criminal Law, June 2007
Mona Yacoubian, Council on Foreign Relations
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