L'Orient le jour - Le témoin, « toujours en Europe », s’est enfui « pour se protéger » ; Assadiq refait surface : « Je détiens des preuves que je soumettrai au tribunal », 11 avril 2008
L’affaire de la disparition du témoin Mohammad Zouheir Assadiq est décidément une affaire à rebondissements. Hier, le témoin à charge dans l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, porté disparu en France où il vivait depuis 2005, s’est mystérieusement manifesté en affirmant se cacher quelque part en Europe, comme le rapporte hier le journal koweïtien as-Siyassa. Ses frères, pour leur part, ont renouvelé leurs attaques contre la France, l’accusant de participer à sa disparition, et demandant formellement à l’ambassade de France à Damas une explication sur son sort. Paris, de son côté, a formellement démenti toutes ces accusations.Le quotidien koweïtien a donc affirmé avoir reçu un appel téléphonique d’Assadiq au cours duquel il dit : « Je me cache en un lieu tenu secret, proche du territoire français et du tribunal international, et je suis en bonne santé. » « Je suis toujours en Europe », ajoute Assadiq, cité par le journal, indiquant qu’il se cachait pour sauver sa vie. Il a estimé que les rumeurs qui ont couru à son compte ces derniers jours étaient « soit ciblées et insidieuses, soit le fruit de pures analyses journalistiques ». Assadiq a réaffirmé à as-Siyassa avoir des preuves de l’implication de quatre anciens officiers des renseignements libanais et de « partenaires syriens » dans l’assassinat de Hariri. « J’insiste sur le fait que quatre officiers des renseignements libanais et leurs partenaires syriens ont tué Hariri et j’ai des preuves que je soumettrai au tribunal », a dit M. Assadiq, selon as-Siyassa. Le témoin affirme avoir envoyé plusieurs lettres au tribunal international formé pour statuer sur l’affaire de l’assassinat de Hariri et basé à La Haye, ainsi qu’à la justice libanaise, pour les informer qu’il risquait sa vie après avoir été la cible de trois tentatives d’assassinat, dont la dernière par le poison (à laquelle il aurait échappé par miracle, selon lui), toujours selon as-Siyassa. Il a déclaré avoir décidé de se cacher parce que « la commission d’enquête ne lui a pas assuré de protection ». Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, avait déclaré mercredi dernier que le transfuge syrien, qui résidait en France depuis l’été 2005, a quitté son domicile il y a près d’un mois. Il n’était, selon des sources policières françaises, soumis à « aucun contrôle judiciaire » et « n’était pas assigné à résidence », pouvant se déplacer sans avoir à en informer quiconque. La France avait refusé son extradition vers le Liban en raison de l’absence de garanties de non-application de la peine de mort.« Remettre Zouheir à laSyrie », réclament ses frèresPar ailleurs, le frère d’Assadiq, Imad Assadiq, a renouvelé hier à partir de Damas ses attaques contre la France, l’accusant d’avoir participé à une éventuelle liquidation. Paris, pour sa part, a démenti « formellement » ces accusations. « Je démens formellement ces accusations », a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Pascale Andréani, interrogée sur les propos de Imad Assadiq. « M. Assadiq a également démenti dans un journal koweïtien les rumeurs selon lesquelles il serait mort », a ajouté la porte-parole. « Notre consul à Damas a reçu aujourd’hui les frères de M. Assadiq qui lui ont remis une lettre demandant des éclaircissements sur le sort de leur frère », a par ailleurs indiqué Mme Andréani.« Si Zouheir a été assassiné, j’accuse (le ministre) Marwan Hamadé de l’avoir liquidé avec (le concours) des autorités françaises », a répété pour sa part devant la presse à Damas Imad Assadiq, qui avait porté pareille accusation la veille dans le quotidien syrien al-Watan, proche du pouvoir. « Nous voulons savoir si notre frère se trouve en territoire français. C’est une demande que nous avons adressée au gouvernement français, qui assume la responsabilité de la vie de notre frère », a expliqué Imad Assadiq, appelant Paris à « remettre Zouheir, s’il est toujours en vie, à la Syrie ».Selon Imad Assadiq, son frère « s’apprêtait à revenir » sur ses accusations « soutirées sous la pression et les menaces ». Il voulait se livrer à l’ambassade de Syrie à Paris, mais des parties l’ont menacé et lui ont interdit de s’y rendre, a-t-il ajouté, assurant que son frère avait affirmé être l’objet de menaces de mort dans un appel téléphonique, il y a sept mois. « Une fois en Syrie, Zouheir dira la vérité, il indiquera qui était derrière (les accusations portées contre Damas). La personne qui a engagé Zouheir dans cette mauvaise affaire est celle qui a assassiné Rafic Hariri », a-t-il avancé. Damas accuse Washington de se servir du tribunalPrié de commenter la disparition puis la déclaration de Zouheir Assadiq au journal koweïtien, le ministre hezbollahi Mohammad Fneich a estimé que « la France devrait clarifier les circonstances de la disparition d’Assadiq, ce témoin qui a été qualifié de témoin-roi, et dont les preuves ont été retenues pour arrêter des officiers et d’autres personnes ». « Par conséquent, a-t-il ajouté, quand ce témoin est demandé par la commission internationale et par la justice libanaise, et qu’il disparaît, cela soulève de nombreux points d’interrogation sur le rôle français et la responsabilité des Français dans ce manque de coopération avec l’enquête. »Le député a poursuivi : « Je ne veux pas lancer des accusations, je veux juste exprimer des interrogations qui jettent l’ombre d’un doute sur ce rôle. La première question qu’on pourrait se poser, c’est comment Zouheir Assadiq peut rester en France sans être livré à la justice libanaise ? Comment peut-il avoir été sorti de France, alors que les autorités françaises savent qu’il est impliqué dans une grande affaire comme celle de l’assassinat de Rafic Hariri ? Ensuite, qui a caché Mohammad Zouheir Assadiq et lui a assuré son transfert en France et son séjour dans ce pays ? Et qui a facilité son évasion ? » Sur un autre plan, le ministère syrien des Affaires étrangères a accusé hier les États-Unis de se servir du tribunal international chargé de juger les inculpés dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri comme d’un « moyen de pression » sur la Syrie.« Les propos de la secrétaire d’État américaine (Condoleezza Rice) devant le Congrès anticipent sur les résultats de l’enquête internationale en cours et qui n’est pas encore terminée », a rapporté un communiqué du ministère. Ces propos « sont une preuve supplémentaire qui montre que les États-Unis utilisent le tribunal comme un moyen de pression politique sur la Syrie », a ajouté le texte, citant un responsable syrien qui a requis l’anonymat.Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Meqdad, avait affirmé mardi dernier que son pays a coopéré « d’une manière positive » avec la commission d’enquête de l’ONU sur l’assassinat de Rafic Hariri.
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