This blog of the Lebanese Center for Human Rights (CLDH) aims at granting the public opinion access to all information related to the Special Tribunal for Lebanon : daily press review in english, french and arabic ; UN documents, etc...

Ce blog du
Centre Libanais des droits humains (CLDH) a pour objectif de rendre accessible à l'opinion publique toute l'information relative au Tribunal Spécial pour le Liban : revue de presse quotidienne en anglais, francais et arabe ; documents onusiens ; rapports, etc...
.

PRESS REVIEW

March 3, 2009 - Courrier International - Le procès Hariri peut traîner longtemps

A l'occasion de l'inauguration, le 1er mars à La Haye, du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), chargé de juger les coupables des attentats politiques commis dans ce pays depuis 2005, Al-Hayat a rencontré le procureur allemand Detlev Mehlis qui avait dirigé l'enquête en 2005-2006.

Propos recueillis par Raghida Dargham


Permettez-moi de vous demander votre avis sur le travail de Peter Fitzgerald, le tout premier président de la Commission d'enquête internationale et votre prédécesseur à ce poste, crée suite à l'assassinat, le 14 février 2005, de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri.

Detlev Mehlis : Peter Fitzgerald disposait d'une équipe de seulement cinq ou six personnes et d'un ou deux traducteurs. Il a établi de nombreux faits et réalisé un excellent travail. Il mérite toute notre estime. Il devait faire avec le système judiciaire et policier libanais [à l'époque pro-syrien] d'avant la "révolution du cèdre" [série de manifestations en 2005 qui a entraîné le départ des troupes syriennes du Liban]. S'il avait poursuivi l'enquête à ma place, je pense qu'il serait parvenu aux mêmes résultats. J'en suis certain.

Quand vous vous occupiez de l'enquête, vous disiez être proche de savoir toute la vérité. En êtes-vous toujours aussi sûr aujourd'hui ?

Tout à fait. Quand vous m'avez appelé au téléphone, j'ai relu pour la première fois le rapport que j'avais présenté au Conseil de sécurité en octobre 2005. Sans vouloir me vanter, j'ai été surpris des preuves et de la précision des détails que nous avions pu rassembler en sept mois d'enquête. Il faut se rappeler que ces sept mois comprennent le tout début, quand nous sommes arrivés à Beyrouth sans disposer de siège ni d'équipe. Durant les premières semaines, il fallait s'occuper de cela.
Cela n'est évidemment pas mon mérite personnel. Bien que j'en assume l'entière responsabilité, il faut dire que c'est le travail d'une équipe composée de ressortissants de dix-sept pays, d'Egypte, de Suisse, de Suède, de Finlande, du Danemark, d'Allemagne, des Etats-Unis et d'autres pays encore.
La principale conclusion est que l'assassinat a été commis par un groupe qui disposait de vastes ramifications et d'importantes ressources. Il a été préparé durant plusieurs mois en observant dans le détail les horaires et les déplacements de Rafic Hariri. On a parlé d'un "réseau" responsable de l'assassinat. Toutes les conclusions de ce rapport sont importantes, mais la plus importante est qu'il y a des preuves d'une implication d'agents des services de sécurité libanais et syriens.

Quelle est la vérité et qui sont les personnes inculpées dont vous parlez ?

Quatre généraux arrêtés à ma demande par les autorités libanaises. Avec les Libanais, nous avons déterminé d'autres. Un de nos témoins, Zouhair Al-Siddik, s'est lui aussi transformé en accusé. A ma demande, il a été arrêté à Paris afin de l'extrader vers le Liban. Je dois dire que nous aurions eu besoin de davantage de temps. Nous avions fait la moitié du chemin au moment où j'ai quitté mon poste.

Pensez-vous qu'on laissera ces quatre généraux comparaître à la Haye ?

D'un point de vue juridique, leur transfert est obligatoire. La résolution 1595 du Conseil de sécurité place la Commission d'enquête internationale sous l'autorité des autorités libanaises. Mais l'affaire cesse d'être libanaise dès lors que le tribunal existe.

En 2006, vous insistiez publiquement pour interroger de hauts responsables syriens. Est-ce pour cela qu'on vous aurait poussé à la démission ?

Il y a trois raisons pour mon départ. Tout d'abord, ce n'est pas moi qui ai demandé le poste. C'est l'ONU qui me l'a proposé. J'ai accepté pour une durée limitée de trois à six mois, parce que ma famille réside à Berlin. Au bout de six mois, l'ONU m'a expliqué que je ne pouvais rester à Beyrouth pour des raisons de sécurité. On m'a proposé de poursuivre l'enquête en dehors du Liban, mais à mon avis, il fallait rester sur le lieu du crime. C'est pour cela que je n'ai pas renouvelé le contrat, tout en acceptant une brève période de transition et en proposant des personnes que je considérais comme capables de poursuivre la tâche. Et après mon départ, j'ai dit à tous ceux qui étaient concernés par l'enquête que j'étais prêt à revenir au cas où l'on aurait besoin de moi. A l'évidence, ce n'était pas le cas.

Donc, les menaces contre vous et votre équipe ont joué un rôle dans votre décision ?

Naturellement. Je suis attaché à ma vie et au moins autant à celle des gens qui m'entourent.

Est-ce pour cela que votre successeur Serge Brammertz a décidé de travailler dans la discrétion ?
Je ne veux pas commenter le comportement de mon successeur, mais il est certain qu'à mon époque, l'enquête avait suscité l'attention, en établissant que certains des coupables étaient ressortissants de pays étrangers. Sans cet intérêt de l'opinion publique, le Tribunal spécial n'aurait pas été créé. Après l'assassinat de Gebran Tuéni [député anti-syrien et patron du grand quotidien libanais An-Nahar], il y a eu une lettre dont je ne sais pas si elle est authentique ou non. En tout cas, elle affirmait que la cible initiale de l'attentat était moi et qu'on avait choisi Tuéni comme cible alternative uniquement parce que j'avais déjà quitté le pays. La lettre conseillait aussi la plus grande prudence à mon successeur Serge Brammertz. Evidemment, il y avait des gens qui n'aimaient pas ce qu'on faisait.

Pensez-vous que c'était une erreur d'insister pour interroger des responsables syriens ?

Non. Nous étions là pour enquêter sur un crime odieux dans lequel vingt-trois personnes ont perdu la vie et des centaines d'autres ont été blessées. Nous devions donc interroger tous ceux qui pouvaient fournir des informations. Sinon, nous prêtions le flanc aux avocats de la défense qui auraient pu demander pourquoi nous n'avions pas interrogé certaines personnes qui sont pourtant citées dans les rapports, telles que le président syrien Bachar Al-Assad, dont beaucoup de témoins ont dit que ses relations avec Hariri étaient, pour le moins, difficiles. Par ailleurs, il fallait permettre à Assad de donner son point de vue. C'était notre devoir de demander à le rencontrer.

Pensez-vous que le tribunal pourra briser l'impunité ? Est-ce que ce tribunal correspond à ce que vous souhaitiez ?

Il fallait une tribune internationale. Dès lors que certains des assassins venaient d'un pays tiers, il fallait que la communauté internationale agisse. Bref, ce tribunal était inévitable. Il représente l'index pointé par la communauté internationale sur ceux qui procèdent à des assassinats au nom de leurs objectifs politiques au Liban.

Est-ce important pour vous que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon semble s'être engagé en faveur de la pérennité de ce tribunal ?

Evidemment. Il peut toujours y avoir des problèmes qui apparaissent. C'est ce qu'on voit dans d'autres tribunaux internationaux – concernant le Cambodge ou la Sierra Leone. Par conséquent, le poids politique du secrétaire général de l'ONU est utile, par exemple pour demander aux Etats des fonds pour le fonctionnement du Tribunal.

Etes-vous inquiet d'éventuels marchandages politiques visant à étouffer le procès ?

Je pense que c'est impossible qu'une poignée de personnes se réunisse pour conclure un tel marchandage. Absolument personne ne le fera. En revanche, le procès peut traîner jusqu'à ce que les gens commencent à se lasser et à l'oublier. Déjà, les Allemands et probablement les Américains ne se préoccupent plus beaucoup de l'affaire Hariri. Il me semble que même la presse libanaise ne s'y intéresse plus autant qu'il y a quatre ans.

Le futur gouvernement libanais, pourra-t-il torpiller le tribunal [des élections législatives sont prévues en juin 2009] ?

Le gouvernement libanais finance environ la moitié du budget du tribunal et il pourra cesser de donner de l'argent. Dans ce cas, les choses dépendront d'autres pays donateurs. Mais juridiquement, il ne peut pas être dissout par les gouvernements successifs libanais, ni par les Américains ou le secrétaire général de l'ONU. Seul le Conseil de sécurité pourra le faire.

Que pensez-vous de la possibilité d'un marchandage consistant à sacrifier un lampiste afin de sauver un régime, sur le modèle de ce qui s'est passé avec la Libye dans l'affaire Lockerbie ?

Je ne sais pas s'il y a eu marchandage entre les Libyens et les Britanniques. Lockerbie n'est pas mon affaire, mais je ne le pense pas. Aucun juge sérieux n'accepterait de faire partie d'un tel marchandage.

Que pensez-vous de l'argument selon lequel il faudrait renoncer au procès au nom de la stabilité régionale ?

Cette question se pose toujours dans les enquêtes sur des affaires de terrorisme politique. Souvent, la politique tire dans un sens, la Justice dans l'autre. Car la politique est pragmatique ; la Justice ne peut pas l'être. Si j'étais le procureur général dans ce procès, je l'aborderais uniquement sous l'angle juridique, quelles que soient les conséquences politiques.

No comments:

Background - خلفية

On 13 December 2005 the Government of the Lebanese Republic requested the UN to establish a tribunal of an international character to try all those who are alleged responsible for the attack of 14 february 2005 that killed the former Lebanese Prime Minister Rafiq Hariri and 22 others. The United Nations and the Lebanese Republic consequently negotiated an agreement on the establishment of the Special Tribunal for Lebanon.

Liens - Links - مواقع ذات صلة

The Washington Institute for Near East Policy, David Schenker , March 30, 2010 . Beirut Spring: The Hariri Tribunal Goes Hunting for Hizballah


Frederic Megret, McGill University, 2008. A special tribunal for Lebanon: the UN Security Council and the emancipation of International Criminal Justice


International Center for Transitional Justice Handbook on the Special Tribunal for Lebanon, April 10, 2008


United Nations
Conférence de presse de Nicolas Michel, 19 Sept 2007
Conférence de presse de Nicolas Michel, 27 Mars 2008


Département d'Etat américain
* 2009 Human Rights report
* 2008 Human Rights report
* 2007 Human Rights report
* 2006 Human Rights report
* 2005 Human Rights report



ICG - International Crisis Group
The Hariri Tribunal: Separate the Political and the Judicial, 19 July, 2007. [Fr]


HCSS - Hague Centre for strategic studies
Hariri, Homicide and the Hague


Human Rights Watch
* Hariri Tribunal can restore faith in law, 11 may 2006
* Letter to Secretary-General Kofi Annan, april 27, 2006


Amnesty International
* STL insufficient without wider action to combat impunity
* Liban : le Tribunal de tous les dangers, mai 2007
* Jeu de mecano


Courrier de l'ACAT - Wadih Al Asmar
Le Tribunal spécial pour le Liban : entre espoir et inquiétude


Georges Corm
La justice penale internationale pour le Liban : bienfait ou malediction?


Nadim Shedadi and Elizabeth Wilmshurt, Chatham House
The Special Tribunal for Lebanon : the UN on Trial?, July 2007


Issam Michael Saliba, Law Library of Congress
International Tribunals, National Crimes and the Hariri Assassination : a novel development in International Criminal Law, June 2007


Mona Yacoubian, Council on Foreign Relations
Linkages between Special UN Tribunal, Lebanon, and Syria, June 1, 2007