March 5, 2009 - L'Orient le jour - John Kerry

John Kerry mise sur l’ouverture vers la Syrie mais pas aux dépens du Liban ou du tribunal

Par Irène MOSALLI

Alors que l'administration Obama envisage de sonder les intentions syriennes par le biais de deux envoyés spéciaux à Damas (Jeffrey Feltman, secrétaire d'État adjoint par intérim pour le Proche-Orient, et Daniel Shapiro, conseiller à la Sécurité nationale chargé du Proche-Orient à la Maison-Blanche), le sénateur John Kerry, président de la commission des relations étrangères au Sénat, a évoqué, hier, au Saban Center, « l'approche régionale de la paix ». M. Kerry vient d'effectuer une tournée au Moyen-Orient (Syrie, Égypte, Jordanie, Liban, Israël, Cisjordanie et Gaza). Ce point de presse a eu lieu en présence de l'ambassadeur de Syrie à Washington, Imad Moustapha. Pour Kerry, la situation est mûre pour créer une nouvelle dynamique pouvant remettre en marche le processus de paix dans la région. Ce « nouveau moment » doit être saisi grâce à la diplomatie de l'administration Obama axée sur le dialogue avec tout le monde, sans exception, y compris l'Iran et la Syrie, et aussi avec un partenariat élargi, notamment le quartette et l'initiative de paix arabe. La nouvelle diplomatie américaine, a affirmé Kerry, va travailler sur une « reconceptualisation » du problème israélo-palestinien pour rendre viable la formule des deux États vivant côte à côte en paix, comme l'a souligné il y a quelques jours encore Hillary Clinton. Il a également insisté sur le plein appui à l'Autorité palestinienne et, malgré l'infaillible soutien à l'État d'Israël, sur la nécessité de mettre fin aux colonies de peuplement en Cisjordanie.
Par ailleurs, toujours dans un souci d'une nouvelle dynamique, M. Kerry a affirmé qu'il serait possible de chercher un terrain d'entente et des intérêts communs avec l'Iran, à propos de l'Afghanistan. Le sénateur démocrate s'est montré optimiste quant au dégel avec la Syrie. « On peut progresser d'avantage avec l'Iran », par une ouverture avec la Syrie, selon lui. « Je recommande à l'administration d'initier un dialogue avec Damas. Et la perception que j'ai eue est qu'il existe plusieurs voies où l'on peut progresser. Nous n'avons pas l'illusion que cela va amener soudain la Syrie à couper les ponts avec l'Iran. Mais cela ne devrait pas nous décourager, tant que leur relation ne déstabilise pas la région. Cela peut être bénéfique pour nous et pour la région, que le président Assad veuille établir de nouvelles relations avec l'Occident. Et cela n'est pas impossible. Le président Assad m'a dit, à Damas, qu'il est prêt à reprendre les négociations avec Israël, avec la participation des États-Unis, et à adhérer à l'initiative de paix arabe. » « Mais nous voulons être clairs, a ajouté Kerry, les négociations avec la Syrie ne se feront pas aux dépens du Liban ou de la justice internationale. Je crois que le président Assad comprend, en tant que pays arabe séculier, que son intérêt est davantage avec ses voisins sunnites et avec l'Ouest qu'avec l'Iran. » Et ceci vaut bien sûr, a-t-il ajouté en substance, pour son économie. « Je pense, a enchaîné le responsable américain, que le président Assad veut un Irak stable, une région dénucléarisée, une économie améliorée. Et un Liban stabilisé lui serait bénéfique. J'ai noté chez lui une grande intelligence et un esprit créatif, quoiqu'il opère dans une difficile dynamique de travail ».