L'Orient le jour - Le nom des juges sera connu à la faveur de leur première réunion. Le tribunal commencera à fonctionner lorsque Bellemare constituera un dossier solide, 8 avril 2008
L'article de Tilda ABOU RIZK
Les préparatifs pour la mise en place du Tribunal international spécial qui doit juger les assassins de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, vont bon train. Si l’on ignore toujours le degré d’évolution des investigations menées par la commission internationale d’enquête, on sait en revanche que la procédure administrative avance au pas de course. Le greffier du tribunal, Robert Vincent, doit commencer avant l’été à organiser les structures administratives censées soutenir les activités des services judiciaires, du bureau du procureur général et de celui de la défense. Parallèlement, des concertations sont en cours pour tenter d’établir le calendrier-programme de la première réunion des onze magistrats qui doivent établir les règles et les procédures de fonctionnement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). C’est à cette occasion seulement que le nom des juges, qui comptent parmi eux quatre Libanais, seront rendus publics. Mais le tribunal ne commencera à fonctionner à proprement parler que lorsque la commission Bellemare aura constitué un dossier solide, même si elle n’aura pas entre-temps achevé ses investigations.La mise en place du tribunal a fait l’objet hier d’une table ronde organisée conjointement par le Centre international pour la justice de transition (ICTJ) et la Fondation Friedrich Ebert sur le thème : « Que faut-il attendre du Tribunal spécial pour le Liban ? » Deux présentations ont été ainsi faites par Mmes Radhia Achouri, conseillère pour la communication au bureau des affaires légales des Nations unies, et Marieke Wierda, responsable du programme des poursuites judiciaires à l’ICTJ. Mme Achouri a axé son intervention sur le statut actuel du tribunal, alors que Mme Wierda a présenté une étude comparative succincte des tribunaux spéciaux.Si le débat engagé à l’occasion de la table ronde a mis en relief l’existence de certaines zones d’ombre au sujet de la procédure judiciaire engagée dans l’affaire Hariri ainsi que des craintes d’une politisation qui dépasserait le cadre de la commission et du tribunal, Mmes Achouri et Wierda se sont efforcées de les dissiper en insistant particulièrement sur le caractère « strictement juridique » du processus engagé. « L’objectif final du tribunal est de contribuer à mettre un terme à l’impunité au Liban, ainsi qu’aux assassinats politiques comme moyen d’expression à notre époque », affirme d’emblée la responsable onusienne, précisant que l’établissement du tribunal est aussi censé favoriser un passage qualitatif vers le rétablissement du règne de la loi. Elle reconnaît l’existence d’une controverse au sujet du tribunal, mais rejette les propos selon lesquels « la sélectivité du Conseil de sécurité – qui réagit promptement à la demande libanaise de constituer un tribunal international dans l’affaire Hariri et qui ne donne aucune suite à d’autres demandes libanaises – constitue une atteinte à la Charte de l’ONU ». « La controverse en cours ne peut en aucun cas affecter la crédibilité du tribunal à partir du moment où il commencera à fonctionner », affirme Mme Achouri, avant d’insister sur le fait que le TSL sera uniquement saisi de l’affaire Hariri.Elle explique aussi qu’il existe deux catégories de dossiers en cours d’examen par la commission : les assassinats et les tentatives d’assassinat commis entre octobre 2004 et décembre 2005, et les assassinats qui se sont produits entre 2006 et 2007. « Si la compétence du tribunal doit s’étendre à d’autres crimes commis, il faudra que cela se fasse sur base d’une résolution du Conseil de sécurité », dit-elle.Sur l’évolution du processus en cours, Mme Achouri explique : « Le greffier Robert Vincent doit commencer sa mission avant l’été. Il se rendra incessamment à La Haye avec une équipe de pointe, afin de préparer la constitution des structures administratives d’appui aux services judiciaires, au bureau du procureur général et à celui de la défense. Une priorité absolue a été donnée au bureau de la défense afin d’établir un équilibre avec celui du procureur. Les préparatifs sont encore en cours à New York afin de nommer un président au bureau de défense. » Un appel à candidature doit être lancé à cette fin.Un procureur généraladjoint libanaisOn sait que c’est le président de la commission internationale d’enquête, le juge Daniel Bellemare, qui assumera la fonction de procureur général une fois le tribunal établi. Son adjoint sera un juge libanais. Il doit être nommé par le gouvernement parmi plusieurs candidats.À la structure précitée, il faut ajouter une troisième : celle de la commission administrative, qui n’est cependant pas rattachée au tribunal comme le sont les autres organes. Composée des principaux bailleurs de fonds du TSL, ainsi que du Liban, de l’ONU, et des Pays-Bas, pays hôte, sa formation est prévue dans le statut du tribunal, et c’est à ce niveau que des craintes de politisation sont soulevées. D’aucuns pensent qu’il est difficile que les pays donateurs, pour la plupart directement intéressés par l’affaire Hariri pour différentes raisons, n’essaient pas d’exercer une certaine influence sur la procédure judiciaire. « Elle n’aura absolument aucun rôle politique, répond Mme Achouri, mais un rôle de gestion administrative et financière, qui ne peut pas affecter le fonctionnement du tribunal. »Parallèlement, la dernière main est actuellement donnée au projet d’aménagement du siège du tribunal, un bâtiment neuf, qui était occupé par un service de sécurité hollandais et au sein duquel une salle de tribunal doit être aménagée, en même temps que des pièces où les personnes qui doivent comparaître devant le TSL seront installées. On attend seulement que le Parlement hollandais ratifie l’accord en vertu duquel les Pays-Bas s’engagent à accueillir le siège du tribunal pour commencer les travaux.Entre-temps, des concertations sont en cours pour paver la voie à la première réunion des magistrats qui doivent établir les règles et les procédures de fonctionnement du Tribunal spécial pour le Liban. C’est à cette occasion seulement que les noms des magistrats seront rendus publics. « Leurs noms, notamment ceux des magistrats libanais, ne seront connus que lorsque les dispositions en cours pour garantir leur sécurité seront achevées », insiste Mme Achouri qui ne se prononce pas sur la date d’ouverture du procès dans l’affaire Hariri, estimant que celui-ci peut commencer avant la fin de l’enquête internationale si la commission a entre-temps établi un dossier solide.À la faveur de l’exposé de Mme Wierda, qui a présenté le tribunal sur base d’une étude comparative avec d’autres tribunaux, notamment ceux sur l’ex-Yougoslavie et la Sierra Leone, l’accent est davantage mis sur le fond. Si, dans le cas des deux derniers, c’est la juridiction internationale qui a été appliquée, dans le cas du Liban, le procès se déroulera sur base des lois libanaises, en présence de juges et d’un personnel libanais.En tout état de cause, le TSL ne tombe sous aucune des catégories connues pour les tribunaux internationaux.Dans le cas du tribunal pour l’ex-Yougoslavie, les mobiles du recours au chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui autorise l’usage de la force, ne sont pas les mêmes que pour le Liban, puisque la référence à ce chapitre s’explique principalement par le fait que le pays n’était pas en mesure de ratifier l’accord avec l’ONU au sujet du tribunal. Dans le cas du Liban, un recours à la force n’a aucune justification, relève-t-elle.Une autre différence de taille : si, dans le cas de l’ex-Yougoslavie, la question de l’immunité des officiels était secondaire parce que les lois internationales l’emportent sur la juridiction nationale, ce principe ne pourra pas s’appliquer lors du procès Hariri dans la mesure où ce sont les lois nationales qui constituent la référence.Contrairement également aux deux procès précités, le mandat du TSL est très limité et ne peut en aucun cas porter sur d’autres assassinats, et les pays tiers ne sont pas tenus de se conformer au texte de l’accord entre le Liban et l’ONU au sujet de l’établissement du tribunal international.
L'article de Tilda ABOU RIZK
Les préparatifs pour la mise en place du Tribunal international spécial qui doit juger les assassins de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, vont bon train. Si l’on ignore toujours le degré d’évolution des investigations menées par la commission internationale d’enquête, on sait en revanche que la procédure administrative avance au pas de course. Le greffier du tribunal, Robert Vincent, doit commencer avant l’été à organiser les structures administratives censées soutenir les activités des services judiciaires, du bureau du procureur général et de celui de la défense. Parallèlement, des concertations sont en cours pour tenter d’établir le calendrier-programme de la première réunion des onze magistrats qui doivent établir les règles et les procédures de fonctionnement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). C’est à cette occasion seulement que le nom des juges, qui comptent parmi eux quatre Libanais, seront rendus publics. Mais le tribunal ne commencera à fonctionner à proprement parler que lorsque la commission Bellemare aura constitué un dossier solide, même si elle n’aura pas entre-temps achevé ses investigations.La mise en place du tribunal a fait l’objet hier d’une table ronde organisée conjointement par le Centre international pour la justice de transition (ICTJ) et la Fondation Friedrich Ebert sur le thème : « Que faut-il attendre du Tribunal spécial pour le Liban ? » Deux présentations ont été ainsi faites par Mmes Radhia Achouri, conseillère pour la communication au bureau des affaires légales des Nations unies, et Marieke Wierda, responsable du programme des poursuites judiciaires à l’ICTJ. Mme Achouri a axé son intervention sur le statut actuel du tribunal, alors que Mme Wierda a présenté une étude comparative succincte des tribunaux spéciaux.Si le débat engagé à l’occasion de la table ronde a mis en relief l’existence de certaines zones d’ombre au sujet de la procédure judiciaire engagée dans l’affaire Hariri ainsi que des craintes d’une politisation qui dépasserait le cadre de la commission et du tribunal, Mmes Achouri et Wierda se sont efforcées de les dissiper en insistant particulièrement sur le caractère « strictement juridique » du processus engagé. « L’objectif final du tribunal est de contribuer à mettre un terme à l’impunité au Liban, ainsi qu’aux assassinats politiques comme moyen d’expression à notre époque », affirme d’emblée la responsable onusienne, précisant que l’établissement du tribunal est aussi censé favoriser un passage qualitatif vers le rétablissement du règne de la loi. Elle reconnaît l’existence d’une controverse au sujet du tribunal, mais rejette les propos selon lesquels « la sélectivité du Conseil de sécurité – qui réagit promptement à la demande libanaise de constituer un tribunal international dans l’affaire Hariri et qui ne donne aucune suite à d’autres demandes libanaises – constitue une atteinte à la Charte de l’ONU ». « La controverse en cours ne peut en aucun cas affecter la crédibilité du tribunal à partir du moment où il commencera à fonctionner », affirme Mme Achouri, avant d’insister sur le fait que le TSL sera uniquement saisi de l’affaire Hariri.Elle explique aussi qu’il existe deux catégories de dossiers en cours d’examen par la commission : les assassinats et les tentatives d’assassinat commis entre octobre 2004 et décembre 2005, et les assassinats qui se sont produits entre 2006 et 2007. « Si la compétence du tribunal doit s’étendre à d’autres crimes commis, il faudra que cela se fasse sur base d’une résolution du Conseil de sécurité », dit-elle.Sur l’évolution du processus en cours, Mme Achouri explique : « Le greffier Robert Vincent doit commencer sa mission avant l’été. Il se rendra incessamment à La Haye avec une équipe de pointe, afin de préparer la constitution des structures administratives d’appui aux services judiciaires, au bureau du procureur général et à celui de la défense. Une priorité absolue a été donnée au bureau de la défense afin d’établir un équilibre avec celui du procureur. Les préparatifs sont encore en cours à New York afin de nommer un président au bureau de défense. » Un appel à candidature doit être lancé à cette fin.Un procureur généraladjoint libanaisOn sait que c’est le président de la commission internationale d’enquête, le juge Daniel Bellemare, qui assumera la fonction de procureur général une fois le tribunal établi. Son adjoint sera un juge libanais. Il doit être nommé par le gouvernement parmi plusieurs candidats.À la structure précitée, il faut ajouter une troisième : celle de la commission administrative, qui n’est cependant pas rattachée au tribunal comme le sont les autres organes. Composée des principaux bailleurs de fonds du TSL, ainsi que du Liban, de l’ONU, et des Pays-Bas, pays hôte, sa formation est prévue dans le statut du tribunal, et c’est à ce niveau que des craintes de politisation sont soulevées. D’aucuns pensent qu’il est difficile que les pays donateurs, pour la plupart directement intéressés par l’affaire Hariri pour différentes raisons, n’essaient pas d’exercer une certaine influence sur la procédure judiciaire. « Elle n’aura absolument aucun rôle politique, répond Mme Achouri, mais un rôle de gestion administrative et financière, qui ne peut pas affecter le fonctionnement du tribunal. »Parallèlement, la dernière main est actuellement donnée au projet d’aménagement du siège du tribunal, un bâtiment neuf, qui était occupé par un service de sécurité hollandais et au sein duquel une salle de tribunal doit être aménagée, en même temps que des pièces où les personnes qui doivent comparaître devant le TSL seront installées. On attend seulement que le Parlement hollandais ratifie l’accord en vertu duquel les Pays-Bas s’engagent à accueillir le siège du tribunal pour commencer les travaux.Entre-temps, des concertations sont en cours pour paver la voie à la première réunion des magistrats qui doivent établir les règles et les procédures de fonctionnement du Tribunal spécial pour le Liban. C’est à cette occasion seulement que les noms des magistrats seront rendus publics. « Leurs noms, notamment ceux des magistrats libanais, ne seront connus que lorsque les dispositions en cours pour garantir leur sécurité seront achevées », insiste Mme Achouri qui ne se prononce pas sur la date d’ouverture du procès dans l’affaire Hariri, estimant que celui-ci peut commencer avant la fin de l’enquête internationale si la commission a entre-temps établi un dossier solide.À la faveur de l’exposé de Mme Wierda, qui a présenté le tribunal sur base d’une étude comparative avec d’autres tribunaux, notamment ceux sur l’ex-Yougoslavie et la Sierra Leone, l’accent est davantage mis sur le fond. Si, dans le cas des deux derniers, c’est la juridiction internationale qui a été appliquée, dans le cas du Liban, le procès se déroulera sur base des lois libanaises, en présence de juges et d’un personnel libanais.En tout état de cause, le TSL ne tombe sous aucune des catégories connues pour les tribunaux internationaux.Dans le cas du tribunal pour l’ex-Yougoslavie, les mobiles du recours au chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui autorise l’usage de la force, ne sont pas les mêmes que pour le Liban, puisque la référence à ce chapitre s’explique principalement par le fait que le pays n’était pas en mesure de ratifier l’accord avec l’ONU au sujet du tribunal. Dans le cas du Liban, un recours à la force n’a aucune justification, relève-t-elle.Une autre différence de taille : si, dans le cas de l’ex-Yougoslavie, la question de l’immunité des officiels était secondaire parce que les lois internationales l’emportent sur la juridiction nationale, ce principe ne pourra pas s’appliquer lors du procès Hariri dans la mesure où ce sont les lois nationales qui constituent la référence.Contrairement également aux deux procès précités, le mandat du TSL est très limité et ne peut en aucun cas porter sur d’autres assassinats, et les pays tiers ne sont pas tenus de se conformer au texte de l’accord entre le Liban et l’ONU au sujet de l’établissement du tribunal international.
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