L'Orient le jour - « La France cache le témoin à charge », affirme un député du Hezbollah. Le frère de Mohammad Assadiq accuse la France de l’avoir liquidé, 10 avril 2008
Il fallait s’y attendre et cela n’a pas beaucoup tardé. La Syrie a fait entendre sa voix hier, indirectement, dans l’affaire de la disparition de Mohammad Zouheir Assadiq, le témoin à charge dans l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, qui résidait en France et dont la disparition a été annoncée mardi par le chef du Quai d’Orsay, Bernard Kouchner. Hier, le ministère français des AE a indiqué que le témoin en question a quitté son domicile il y a près d’un mois. « Nous savons seulement que M. Assadiq a quitté son domicile le 13 mars », a déclaré à la presse la porte-parole du ministère, Pascale Andréani. « Il est arrivé en France dans le courant de l’été 2005 », a-t-elle précisé.Dans une dépêche datée de Damas, l’AFP rapporte dans ce cadre que le quotidien syrien al-Watan a publié hier une déclaration du frère de Mohammad Assadiq, Imad, qui accuse les autorités françaises d’avoir facilité sa disparition ou de l’avoir « liquidé ».« Les autorités françaises auraient facilité la disparition de Mohammad Zouheir Assadiq en vue de le faire liquider par une autre partie, ou bien elles l’ont elles-mêmes liquidé », a ainsi déclaré Imad Assadiq au Watan, proche du pouvoir à Damas.Mardi, des sources policières françaises avaient indiqué que Mohammad Zouheir Assadiq, un transfuge syrien, « n’était pas assigné à résidence » et n’était soumis « à aucun contrôle judiciaire », de sorte qu’il pouvait aller et venir sans avoir à en informer quiconque.Sous le coup d’un mandat d’arrêt international, il avait été arrêté en 2005 en banlieue parisienne dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri. Il vivait à Chatou (Yvelines) et son bail arrivait à expiration en mai, selon les sources françaises.« Mon frère était sous la protection des autorités françaises », a assuré son frère Imad qui réside à Damas. Il a accusé des « parties libanaises », dont le ministre des Télécommunications Marwan Hamadé, d’« avoir (comploté) avec les Français pour liquider (mon) frère ».La justice libanaise veut entendre cet ex-officier des renseignements syriens, qui intéresse également la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Hariri. Mohammad Assadiq avait affirmé que l’ancien président Émile Lahoud et le président syrien Bachar el-Assad avaient donné l’ordre d’assassiner Rafic Hariri.Mardi, le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner avait déclaré que Mohammad Assadiq « était chez lui ou assigné à résidence et il a disparu ».« Les assassins veulent ainsi que la Syrie soit pointée du doigt, l’argument avancé est que c’est la seule partie à bénéficier de la disparition » d’Assadiq, a estimé pour sa part, Omar Assadiq, frère aîné du témoin à charge. La famille d’Assadiq va présenter dans les deux jours une demande à l’ambassade de France en Syrie pour connaître le sort de Mohammad Assadiq et savoir « s’il est vivant ou assassiné », a indiqué Imad Assadiq. Sa famille a affirmé avoir eu un dernier contact avec lui il y a deux mois.Dans une déclaration à la presse, hier, le député Hassan Fadlallah, membre du bloc parlementaire du Hezbollah, a accusé Paris de « cacher » le témoin.« La France détient-elle des informations susceptibles d’influencer l’enquête et qui ont été cachées ? » s’est interrogé Hassan Fadlallah. Selon le député, le ministre français des Affaires étrangères aurait mieux fait de « révéler les véritables raisons qui ont conduit à cacher le “témoin à charge” (...) et pour lesquelles la France a refusé de le remettre aux autorités libanaises ».« Cette affaire soulève beaucoup de questions sur la France, estime le député du Hezbollah. Y a-t-il complicité avec des parties locales dont l’intérêt est (...) d’empêcher l’enquête d’aboutir à la vérité escomptée ? »Répondant à Hassan Fadlallah, le député Antoine Andraos a souligné que « le député Hassan Fadlallah et le directoire du Hezbollah devraient avoir présent à l’esprit que la France est le pays des libertés et des droits de l’homme ». « Dans toute son histoire, la France n’a jamais enlevé ou fait disparaître quelqu’un, contrairement aux régimes alliés au Hezbollah qui détiennent dans leurs prisons des dizaines de prisonniers d’opinion », a déclaré Antoine Andraos. Démarche de Jamil SayyedPar ailleurs, l’ancien directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed, détenu à la prison de Roumieh dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, a adressé au procureur de la République, Saïd Mirza, et au juge d’instruction chargé de l’enquête, Sakr Sakr, un message dans lequel il leur fait assumer la responsabilité « de la disparition ou de l’assassinat de Mohammad Assadiq de la part de ceux qui ont en fait un faux témoin ». Le général Sayyed reproche à ce sujet aux deux juges d’avoir laissé Mohammad Assadiq « circuler en toute liberté entre les différents pays ». L’ancien directeur de la Sûreté générale a, d’autre part, précisé que le témoin en question a trouvé refuge dans un pays du Golfe (aux Émirats arabes unis, selon certaines informations). Signalons, sur un tout autre plan, que les anciens députés Abdel Rahim Mrad et Émile Émile Lahoud ont réclamé hier la libération des quatre officiers détenus dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri (Jamil Sayyed, Raymond Azar, ancien directeur des renseignements de l’armée, Moustapha Hamdane, ancien commandant de la garde présidentielle, et Ali el-Hajj, ancien directeur des Forces de sécurité intérieure).
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