L'Orient le jour - Entretien avec le secrétaire général adjoint aux Affaires politiques de l’ONU B. Lynn Pasco : « Nous voulons nous assurer que la souveraineté du Liban est bien respectée », 17 mars 2008.
Dans une interview accordée à « L’Orient-Le Jour » au siège des Nations unies, B. Lynn Pascoe, secrétaire général adjoint aux Affaires politiques de l’ONU, un poste-clé, affirme avec fermeté que « la chose la plus importante pour les Nations unies est la stabilité, l’indépendance et la souveraineté du Liban. Nous prenons très aux sérieux les résolutions de l’ONU ».Ce vétéran de la diplomatie, qui était depuis novembre 2004 ambassadeur des États-Unis en Indonésie, a également représenté son pays en tant qu’ambassadeur en Malaisie avant de devenir sous-secrétaire adjoint pour les Affaires européennes et eurasiennes au département d’État en septembre 2001. Ayant une connaissance approfondie du Moyen-Orient et du dossier libanais, B. Lynn Pascoe assure dans cet entretien : « Nous voulons nous assurer que la souveraineté du Liban est bien respectée. »« L’Orient-Le Jour » – Le Conseil de sécurité a adopté de nombreuses importantes résolutions en vue d’instaurer la paix et la sécurité au Liban et dans la région. D’autres résolutions – 1559 et 1701 par exemple – donnent des directives pour le processus de paix et la sécurité dans la région. Certains pays et parties concernés ne les ont pas entièrement mises en œuvre. Êtes-vous confiant de voir l’application prochaine de toutes ces résolutions avec la coopération de toutes les parties concernées ?Lynn Pascoe – « La chose la plus importante pour les Nations unies est la stabilité, l’indépendance et la souveraineté du Liban. À ce sujet, nous pensons que les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sont très importantes. Nous les prenons très au sérieux. Comme vous le savez, nous faisons des rapports d’étape pour l’application de ces résolutions, notamment les 1559 et 1701. Nous sommes en train de travailler sérieusement pour nous assurer que ces très importants mandats internationaux soient menés à bien. Certaines parties des dispositions ont été appliquées, d’autres pas assez. »O-J – La coopération de la Syrie est essentielle dans la mise en œuvre de ces résolutions. Les Nations unies sont-elles vraiment en mesure d’assurer cette coopération ?L.P. – « Comme vous le savez, le secrétaire général s’est rendu en Syrie. Il a eu plusieurs conversations en tête à tête avec le président Bachar el-Assad. Il a par ailleurs eu à maintes reprises des contacts téléphoniques avec le président syrien, principalement dans l’intention d’apporter son aide au peuple libanais. Nous sommes très préoccupés. Nous voulons nous assurer que la souveraineté du Liban est bien respectée et que tous les pays de la région y contribuent. Encore une fois, il y a eu une coopération dans certaines parties, mais une meilleure coopération est nécessaire notamment dans la gestion des frontières et leur délimitation, la question des fermes de Chebaa et l’établissement des relations diplomatiques. Il est important que le Liban, comme tous les pays du monde, ait de bonnes relations avec ses voisins. »O-J –- Dans son dernier rapport, le secrétaire général de l’ONU a souligné qu’une gestion efficace de la frontière entre la Syrie et le Liban était impérative pour la sécurité et la stabilité du Liban, annonçant qu’il enverra prochainement une nouvelle mission indépendante chargée d’évaluer la situation à la frontière. À quelle date cette équipe pourra-t-elle démarrer ses travaux ?L.P. – « Nous travaillons avec le bureau du Premier ministre (Fouad Siniora) pour déterminer la date et les termes possibles de référence. Ce serait une équipe qui évaluera la capacité de gestion de la frontière libanaise et proposera quelques suggestions sur la manière de procéder selon les recommandations de Libat (mission d’évaluation de la frontière syro-libanaise qui avait présenté son rapport en 2007). Nous voulons procéder au plus vite, et cela requiert une volonté politique des deux côtés pour la réalisation de cet objectif. »O-J – La délimitation de la frontière entre la Syrie et le Liban ainsi que l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays sans conditions préalables pourront-ils être réglés dans un futur proche ?L.P. – « Nous pensons que cela est important. Le secrétaire général a vivement conseillé d’établir des relations diplomatiques entières entre les deux parties sans conditions préalables. C’est un domaine où des progrès tangibles sont possibles et nous voudrions les voir se réaliser. »O-J – Les fermes de Chebaa semblent être la clé. Comment les Nations unies envisagent-elles de régler cette question ?L.P. – « Nous avons envoyé un cartographe et une équipe de New York, et ils ont été vérifier la frontière. Ils sont revenus avec une définition provisoire pour la région des fermes de Chebaa, fondée sur les meilleures informations que nous ayons. Nous souhaiterions maintenant que les trois parties concernées, le Liban, la Syrie et Israël, réagissent. Elles ne l’ont pas encore fait. »O-J – Pensez-vous que la proposition du Liban de placer cette région sous juridiction internationale est possible ?L.P. – « Nous avons tenté de faire un premier pas dans le cadre du mandat de la 1701. Nous ferons un pas à la fois pour voir les réactions. À ce jour, nous n’avons rien eu. »O-J – Il y a des allégations de transfert d’armes sophistiquées à partir de l’Iran et de la Syrie à travers la frontière syro-libanaise, dit le rapport. Après les menaces récentes d’une guerre ouverte contre Israël proférées par le Hezbollah, le Liban se dirige-t-il vers une guerre ?L.P. – « La question des armes est une question importante. Nous essayons de la soulever dans chaque rapport sur la 1701. Nous n’avons aucun moyen de renseignement indépendant en dehors de la Finul pour vérifier, mais nous entendons des déclarations des deux côtés, que nous essayons de reporter le mieux que nous pouvons. Nous avons mentionné que le Hezbollah a été capable de rebâtir sa capacité militaire. Nous l’avons exprimé ouvertement. Il est aussi important de noter que la 1701 a très bien marché. Elle n’a pas été exécutée dans ses détails, mais nous pensons que dans l’ensemble elle a contribué positivement à la paix. La Finul a joué une part importante, et la coopération avec les forces armées libanaises a été très positive. Notre espoir et notre conviction sont que nous ne nous dirigeons pas vers la guerre. Nous voulons nous diriger plutôt vers la paix. »O-J – La question du Tribunal spécial pour le Liban a été soulevée lors de la visite de Ban Ki-moon à Damas. Le second rapport du secrétaire général sur l’application de la 1757, préparé par Nicolas Michel, conseiller juridique des Nations unies, vient d’être publié. Ce tribunal verra-t-il prochainement le jour ?L.P. – « Nous nous sommes engagés à établir le tribunal, et nous avons fait des progrès constants. M. Nicolas Michel a clairement indiqué à maintes reprises que ce processus est irréversible. Il est résolu à être juste et impartial. Son objectif est de faire la lumière sur ce qui s’est vraiment passé. C’est dans ce but que nous travaillons tous. »O.J. – Nicolas Michel a confirmé devant son équipe qu’il ne renouvellera pas son mandat fin août. Ce départ pourra-t-il avoir un effet négatif sur le travail du tribunal ?L.P. – « Ce projet est essentiellement celui du secrétaire général. Nous travaillons tous pour lui. M. Michel a apporté une immense contribution dans ce domaine, mais je suis persuadé que son successeur poursuivra la tâche. »O-J – L’impasse politique au Liban persiste. L’initiative arabe a échoué, mais les Nations unies ont un important rôle à jouer dans ce pays. Pensez-vous qu’une conférence internationale sur le Liban est maintenant nécessaire ?L.P. – « Il n’est pas tout à fait juste de mettre tous les problèmes du Liban sur le dos de la communauté internationale. Les Nations unies font beaucoup d’efforts pour aider le peuple libanais. Il revient aux Libanais eux-mêmes de résoudre certains de leurs problèmes, tels que par exemple la question de l’élection présidentielle. Beaucoup d’autres problèmes, bien qu’ils aient peut-être des composantes externes – et je ne nie pas le fait qu’il y en ait –, ont pour origine des disputes internes au Liban. Cela s’applique à d’autres pays aussi, non seulement au Liban. Lors de ses deux visites au Liban l’année dernière, le secrétaire général a fortement encouragé les factions libanaises à trouver une solution, et je pense qu’il a été déçu qu’elles n’y soient pas parvenues. Il a essayé d’aider de plusieurs manières, y compris en donnant son aval à l’initiative arabe, en parlant aux pays voisins, et à Paris en décembre il a appelé à une conférence sur le Liban. Je pense que nous sommes tous frustrés, y compris le peuple libanais, de voir qu’on n’y soit pas arrivé. »
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