L'Orient le jour - Le juge allemand a qualifié de « légale et justifiée » la détention des quatre généraux Mehlis : Le public a le droit de savoir où en est l’enquête, 19 mars 2008
Le juge allemand Detlev Mehlis, qui a démissionné, en janvier 2006, de son poste de chef de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, a émis hier certaines critiques et réserves sur le travail de son successeur, le juge Serge Brammertz (dont le mandat a pris fin récemment). Il a estimé que, selon ce qu’il a lu dans les rapports de la commission depuis son départ, il n’a pas décelé beaucoup de nouveaux détails par rapport au travail de la commission lorsqu’il en était le chef, concluant que « soit l’enquête a progressé sans être publique, soit elle n’a pas beaucoup progressé depuis ». « Le public a le droit de savoir où en est l’enquête », a-t-il dit, ajoutant que « la commission se doit de transmettre ses conclusions sans pour autant mettre l’enquête en péril ». Il a précisé également que cette commission avait été formée par l’ONU « pour donner de l’espoir aux Libanais et soutenir la démocratie ». Il a émis des réserves sur le principe de garder le secret autour des éventuels suspects identifiés par son successeur, considérant que ceux-ci pouvaient commettre de nouveaux crimes s’ils étaient gardés en liberté. Le juge Mehlis, qui était interrogé par notre consœur May Chidiac sur la LBCI, s’est dit convaincu que « la vérité sera connue coûte que coûte, et dans tous ses détails, même après des années ». À la question de savoir si la Syrie allait accepter de voir certains de ses responsables mis en cause, M. Mehlis a répondu qu’en tant que procureur général, il ne pouvait accuser des États, mais qu’il lui était possible d’accuser des individus, qu’ils soient présidents, ministres, officiers ou quoi que ce soit de la sorte. Il a affirmé que personne n’est au-dessus des lois, révélant que « le tribunal international ne protégera pas les chefs d’État », vu qu’il a la capacité d’accuser et de pénaliser toute personne désignée comme impliquée dans l’attentat. À ce propos, il a considéré que, au cas où tout État refuserait de livrer un suspect ou un témoin, les Nations unies disposent de plusieurs moyens pour lui imposer de le faire, comme les sanctions par exemple.Sur la polémique qui entoure la détention prolongée des quatre généraux, M. Mehlis a estimé que cette procédure était légale, selon la loi internationale et les lois libanaises, du moins durant la durée de son propre mandat. Il a rappelé que les généraux avaient été arrêtés suite à des informations selon lesquelles ils quitteraient le pays alors qu’ils étaient activement impliqués dans l’attentat, afin de les garder disponibles pour les besoins de l’enquête, si le juge l’estime nécessaire. Il a souligné qu’une détention prolongée se justifiait dans ce cas, évoquant le cas d’un suspect dans l’affaire de l’attentat terroriste perpétré dans la boîte de nuit La Belle à Berlin, qui avait été détenu sept ans en attendant le jugement. Interrogé sur l’importance de l’analyse des télécommunications dans l’identification des meurtriers, M. Mehlis a révélé que la méthode utilisée par les assassins, et qui se base en grande partie sur les contacts par téléphones portables, a beaucoup aidé dans l’enquête. M. Mehlis assure cependant avoir fait personnellement l’objet de menaces répétées lorsqu’il était en poste au Liban et qu’il était inquiet pour son entourage, affirmant que l’assassinat du député Gebran Tuéni s’inscrivait dans le cadre de ces menaces, puisqu’il a été perpétré un jour avant la présentation de son rapport final au Conseil de sécurité de l’ONU. Il a évoqué une lettre d’un groupe islamiste qui affirmait qu’il aurait été la cible privilégiée s’il n’avait pas abandonné l’enquête. C’est l’ONU qui lui a recommandé de ne plus résider au Liban, a-t-il ajouté, lui proposant de lui donner un bureau à l’extérieur du pays, mais il a jugé qu’il ne pouvait diriger une telle enquête de loin.Le juge a été interrogé sur certains détails de l’enquête lorsqu’il était lui-même à la tête de la commission, notamment les deux affaires qui avaient fait grand bruit, la déposition de Mohammad Zouhair Siddik, arrêté en France, et le faux témoignage de Houssam Houssam, qui a disparu avant de réapparaître à Damas, dans une conférence de presse. Le juge a rappelé que dans de telles affaires, « il n’y a pas un ange blanc qui descend de son nuage pour nous donner toutes les informations, et comme dans toute affaire d’attentat terroriste, les informations viennent de plusieurs sources, notamment des témoins ou des suspects ». Siddik, selon lui, n’a jamais été ce qu’on appelle « un témoin-roi ». En ce qui concerne Houssam, Mehlis déclare avoir voulu l’interroger de nouveau et avoir demandé cela aux autorités syriennes, mais sans succès, estimant que Houssam a « été présenté au public par une partie intéressée ». M. Mehlis a enfin précisé que le cours suivi par le tribunal international est désormais indépendant de tout gouvernement au Liban, parce que si l’actuel cabinet était renversé, et que le chaos venait à régner, qui pourrait garantir la pérennité du processus ? Quant au temps que prendrait un tel processus, le juge a estimé que cela pourrait durer des années, mais qu’en définitive, les coupables seraient écroués.
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