L'Orient le jour - Nicolas Michel répond aux questions des journalistes libanais par vidéoconférence. Le double objectif du tribunal spécial : faire éclater la vérité, mettre fin à l’impunité, 29 march 2008
L'article de Jeanine JALKH
«Le tribunal ne sera pas opérationnel de sitôt. Le début de son fonctionnement dépendra de la décision du secrétaire général de l’ONU, qui a la prérogative en la matière. » C’est ce qu’a affirmé le secrétaire général adjoint aux Affaires juridiques et conseiller juridique de l’ONU, au lendemain de son briefing devant le Conseil de sécurité sur le tribunal spécial pour le Liban, à New York. Nicolas Michel a tenu à réitérer hier l’exercice devant les journalistes libanais par vidéoconférence, en répondant à leurs questions sur la progression de la mise en place du tribunal. Jonglant avec les langues, la terminologie juridique et les technicités du fonctionnement d’une institution unique en son genre, le responsable onusien s’est prêté au jeu dans la plus grande transparence, en rendant compte de l’avancement des préparatifs en vue de l’établissement du tribunal spécial et de certains aspects de la procédure juridique qui sera appliquée. Passant en revue la question du financement ainsi que certains détails logistiques, administratifs et juridiques, M. Michel a surtout insisté sur les impératifs d’impartialité et d’indépendance qui caractériseront le fonctionnement de cette cour, laissant toutefois entendre que le début de ses travaux dépendront de trois critères majeurs : le financement, la concertation avec le gouvernement libanais et la progression de l’investigation internationale, actuellement menée par le chef de la commission d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, Daniel Bellemare, également désigné procureur général. Évoquant les multiples interrogations qui lui sont régulièrement adressées par les journalistes sur le début du procès à proprement parler, il a déclaré : « Je n’ai pas de date précise concernant le début du fonctionnement du tribunal, qui reste la prérogative du secrétaire général de l’ONU », a-t-il dit.Sur cette question, M. Michel a relevé que le « début du fonctionnement du tribunal coïncidera avec la prise en charge du procureur général de ses fonctions ». À la question de savoir si le début des travaux de cette cour doit nécessairement coïncider avec la fin de l’investigation internationale, il a affirmé qu’il est encore « très tôt » pour savoir s’il est « techniquement possible pour la commission d’enquête internationale de poursuivre sa tâche, une fois que le procureur général aura entamé son travail au tribunal ». « Une chose est sûre, a-t-il dit, nous œuvrons de manière à assurer la coordination nécessaire et une transition efficace des activités de la commission au bureau du procureur. » Revenant au contexte dans lequel le principe d’une juridiction internationale a été adopté, M. Michel a rappelé que « l’établissement du tribunal avait été requis par le gouvernement libanais. Il avait été approuvé à l’unanimité par toutes les parties libanaises lors de la tenue de la table du dialogue initiée par le président de la Chambre, Nabih Berry, au printemps 2006 ». « Notre objectif est d’établir une instance juridique purement indépendante, en vue de faire la lumière sur la vérité à laquelle aspirent tous les Libanais, et pour mettre fin à l’impunité », a-t-il insisté. Le conseiller juridique de l’ONU a en outre rappelé que les fonds requis pour l’établissement du tribunal et son fonctionnement, pour la première année du moins, ont été « assurés », M. Ban Ki-moon ayant déjà annoncé avoir sécurisé une contribution de 60 millions de dollars, dont 25,9 millions de dollars en promesses de don. Parmi les autres « progrès » réalisés à ce stade, certaines mesures qui ont été prises pour « mettre en place les éléments-clés du tribunal », notamment la question du siège choisi – qui sera à La Haye – le gouvernement des Pays-Bas s’étant engagé à fournir, sans aucune contrepartie financière, le bâtiment qui abritera cette cour pour la première année de ses travaux. Également achevée, la phase de la sélection (et non la désignation) des juges, ainsi que la désignation du procureur et du greffier. « Actuellement, nous sommes en instance de nomination du chef du bureau de la défense », nommé par le secrétaire général en consultation avec le président du tribunal, « une fois ce dernier identifié », a ajouté le conseiller. À la question d’une journaliste qui lui demandait dans quelle mesure le tribunal pourra fonctionner de manière « indépendante et impartiale » et loin des pressions politiques, le responsable onusien a insisté sur le fait que le processus judiciaire prendra son cours conformément aux normes internationales les plus élevées, soutenant que le contraire pousserait cette instance à se transformer en un « instrument de division et non plus en une instance au service de la paix ». À ce propos, M. Michel a tenu à expliquer que le procureur général – « connu et respecté pour son professionnalisme et son intégrité exceptionnels » – n’a pas la prérogative d’émettre des jugements par exemple ou d’ordonner l’arrestation d’un suspect. « Il peut tout simplement émettre des recommandations en ce sens, qui seront soumises au juge de mise en état ». Au sujet des quatre généraux dont l’arrestation a été qualifiée d’« arbitraire » par plusieurs organismes et institutions internationales, dont les Nations unies, M. Michel a rappelé que la décision de leur remise en liberté était « de la seule prérogative des autorités libanaises ». « Si le secrétaire général devait intervenir, on lui reprocherait alors d’interférer dans la procédure judiciaire », a-t-il précisé. Plus important, c’est la question d’un État tiers qui ne se conformerait pas à un ordre du tribunal, pour ce qui est notamment de la remise d’un suspect à la justice. « La résolution 1757 de l’ONU ne prévoit aucune disposition qui impose des obligations aux États tiers. Le tribunal devra compter sur la coopération volontaire d’États tiers », rappelle le juriste onusien qui soutient toutefois qu’il sera d’autant plus difficile pour cet État de ne pas se plier en cas de possession de preuves tangibles. À défaut, le tribunal aura la compétence d’entamer un procès par contumace, a-t-il indiqué.La crédibilité de la procédure serait-elle remise en cause s’il s’avérait qu’un des juges était « corrompu » ou s’il venait à être discrédité ? À cette interrogation, le conseiller juridique répond par la négative, expliquant que la défense a la possibilité d’entamer « une procédure de récusation » contre les juges qui feraient l’objet d’un soupçon quelconque. Et de rappeler que le processus de sélection et par la suite de désignation des juges « est extrêmement rigoureux », laissant entendre que les magistrats choisis le seront notamment sur base de leur « intégrité irréprochable ». Interrogé sur la question de l’immunité des chefs d’État dans un tel procès, il a répondu que la règle qui s’appliquera est celle généralement admise en droit international, précisant que « le secrétariat n’a jamais voulu toutefois préjuger les éventuels accusés ».
«Le tribunal ne sera pas opérationnel de sitôt. Le début de son fonctionnement dépendra de la décision du secrétaire général de l’ONU, qui a la prérogative en la matière. » C’est ce qu’a affirmé le secrétaire général adjoint aux Affaires juridiques et conseiller juridique de l’ONU, au lendemain de son briefing devant le Conseil de sécurité sur le tribunal spécial pour le Liban, à New York. Nicolas Michel a tenu à réitérer hier l’exercice devant les journalistes libanais par vidéoconférence, en répondant à leurs questions sur la progression de la mise en place du tribunal. Jonglant avec les langues, la terminologie juridique et les technicités du fonctionnement d’une institution unique en son genre, le responsable onusien s’est prêté au jeu dans la plus grande transparence, en rendant compte de l’avancement des préparatifs en vue de l’établissement du tribunal spécial et de certains aspects de la procédure juridique qui sera appliquée. Passant en revue la question du financement ainsi que certains détails logistiques, administratifs et juridiques, M. Michel a surtout insisté sur les impératifs d’impartialité et d’indépendance qui caractériseront le fonctionnement de cette cour, laissant toutefois entendre que le début de ses travaux dépendront de trois critères majeurs : le financement, la concertation avec le gouvernement libanais et la progression de l’investigation internationale, actuellement menée par le chef de la commission d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, Daniel Bellemare, également désigné procureur général. Évoquant les multiples interrogations qui lui sont régulièrement adressées par les journalistes sur le début du procès à proprement parler, il a déclaré : « Je n’ai pas de date précise concernant le début du fonctionnement du tribunal, qui reste la prérogative du secrétaire général de l’ONU », a-t-il dit.Sur cette question, M. Michel a relevé que le « début du fonctionnement du tribunal coïncidera avec la prise en charge du procureur général de ses fonctions ». À la question de savoir si le début des travaux de cette cour doit nécessairement coïncider avec la fin de l’investigation internationale, il a affirmé qu’il est encore « très tôt » pour savoir s’il est « techniquement possible pour la commission d’enquête internationale de poursuivre sa tâche, une fois que le procureur général aura entamé son travail au tribunal ». « Une chose est sûre, a-t-il dit, nous œuvrons de manière à assurer la coordination nécessaire et une transition efficace des activités de la commission au bureau du procureur. » Revenant au contexte dans lequel le principe d’une juridiction internationale a été adopté, M. Michel a rappelé que « l’établissement du tribunal avait été requis par le gouvernement libanais. Il avait été approuvé à l’unanimité par toutes les parties libanaises lors de la tenue de la table du dialogue initiée par le président de la Chambre, Nabih Berry, au printemps 2006 ». « Notre objectif est d’établir une instance juridique purement indépendante, en vue de faire la lumière sur la vérité à laquelle aspirent tous les Libanais, et pour mettre fin à l’impunité », a-t-il insisté. Le conseiller juridique de l’ONU a en outre rappelé que les fonds requis pour l’établissement du tribunal et son fonctionnement, pour la première année du moins, ont été « assurés », M. Ban Ki-moon ayant déjà annoncé avoir sécurisé une contribution de 60 millions de dollars, dont 25,9 millions de dollars en promesses de don. Parmi les autres « progrès » réalisés à ce stade, certaines mesures qui ont été prises pour « mettre en place les éléments-clés du tribunal », notamment la question du siège choisi – qui sera à La Haye – le gouvernement des Pays-Bas s’étant engagé à fournir, sans aucune contrepartie financière, le bâtiment qui abritera cette cour pour la première année de ses travaux. Également achevée, la phase de la sélection (et non la désignation) des juges, ainsi que la désignation du procureur et du greffier. « Actuellement, nous sommes en instance de nomination du chef du bureau de la défense », nommé par le secrétaire général en consultation avec le président du tribunal, « une fois ce dernier identifié », a ajouté le conseiller. À la question d’une journaliste qui lui demandait dans quelle mesure le tribunal pourra fonctionner de manière « indépendante et impartiale » et loin des pressions politiques, le responsable onusien a insisté sur le fait que le processus judiciaire prendra son cours conformément aux normes internationales les plus élevées, soutenant que le contraire pousserait cette instance à se transformer en un « instrument de division et non plus en une instance au service de la paix ». À ce propos, M. Michel a tenu à expliquer que le procureur général – « connu et respecté pour son professionnalisme et son intégrité exceptionnels » – n’a pas la prérogative d’émettre des jugements par exemple ou d’ordonner l’arrestation d’un suspect. « Il peut tout simplement émettre des recommandations en ce sens, qui seront soumises au juge de mise en état ». Au sujet des quatre généraux dont l’arrestation a été qualifiée d’« arbitraire » par plusieurs organismes et institutions internationales, dont les Nations unies, M. Michel a rappelé que la décision de leur remise en liberté était « de la seule prérogative des autorités libanaises ». « Si le secrétaire général devait intervenir, on lui reprocherait alors d’interférer dans la procédure judiciaire », a-t-il précisé. Plus important, c’est la question d’un État tiers qui ne se conformerait pas à un ordre du tribunal, pour ce qui est notamment de la remise d’un suspect à la justice. « La résolution 1757 de l’ONU ne prévoit aucune disposition qui impose des obligations aux États tiers. Le tribunal devra compter sur la coopération volontaire d’États tiers », rappelle le juriste onusien qui soutient toutefois qu’il sera d’autant plus difficile pour cet État de ne pas se plier en cas de possession de preuves tangibles. À défaut, le tribunal aura la compétence d’entamer un procès par contumace, a-t-il indiqué.La crédibilité de la procédure serait-elle remise en cause s’il s’avérait qu’un des juges était « corrompu » ou s’il venait à être discrédité ? À cette interrogation, le conseiller juridique répond par la négative, expliquant que la défense a la possibilité d’entamer « une procédure de récusation » contre les juges qui feraient l’objet d’un soupçon quelconque. Et de rappeler que le processus de sélection et par la suite de désignation des juges « est extrêmement rigoureux », laissant entendre que les magistrats choisis le seront notamment sur base de leur « intégrité irréprochable ». Interrogé sur la question de l’immunité des chefs d’État dans un tel procès, il a répondu que la règle qui s’appliquera est celle généralement admise en droit international, précisant que « le secrétariat n’a jamais voulu toutefois préjuger les éventuels accusés ».
No comments:
Post a Comment