Le Monde diplomatique, Justice internationale au Liban, juin 2007, p. 2
A la suite de la publication dans Le Monde diplomatique d’avril 2007 de l’article de Géraud de Geouffre de La Pradelle, Antoine Korkmaz et Rafaëlle Maison, « Douteuse instrumentalisation de la justice internationale au Liban », nous avons reçu un courrier de Me Mohammad F. Mattar, conseiller juridique auprès du député Saad Hariri. Après avoir noté que l’un des auteurs, Me Antoine Korkmaz, est l’avocat français du général Jamil Al-Sayed et que les deux autres sont des conseillers de son avocat libanais, Me Mattar souhaite « clarifier plusieurs points » :
Premièrement, l’article prétend que le tribunal spécial est l’instrument des Etats-Unis et de la France pour atteindre des fins politiques sans rapport avec la justice. Il omet de préciser que la création de ce tribunal a été approuvée à l’unanimité par tous les partis et acteurs de la scène politique au Liban, y compris le Hezbollah, et que le conseil de sécurité a agi suite à la demande du gouvernement libanais. (...)
Deuxièmement, les auteurs prétendent que les autorités libanaises sont compétentes pour juger de l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri. (...) La référence à la notion de crime international pour contester la formation du tribunal spécial pour le Liban n’est guère compréhensible car les précédents démontrent que le critère de l’internationalité n’a pas été retenu pour justifier la création de ces tribunaux. De toute manière, l’élément international est bien présent et même omniprésent dans l’assassinat de Hariri, comme le soulignent clairement les rapports rendus par la commission d’enquête internationale. (...)
Une vingtaine de personnes ont trouvé la mort dans cet attentat et plusieurs centaines ont été blessées. Ce crime a été qualifié de terroriste par les résolutions du Conseil de sécurité 1595, 1636, 1644. Le Liban, en tant que signataire de la convention internationale pour la lutte contre le terrorisme, se doit de coopérer pleinement avec la communauté internationale afin de lutter contre le terrorisme. (...) C’est justement l’accumulation de ces crimes, qui sont un moyen de gouvernement propre aux régimes totalitaires, qui a alerté la communauté internationale et l’a poussée à une solidarité sans précédent face au terrorisme, et au terrorisme d’Etat en particulier. (...)
Troisièmement, Me Korkmaz et les professeurs Géraud de la Pradelle et Rafaëlle Maison veulent prouver que le tribunal international porte atteinte à la souveraineté du Liban. L’article ne prend pas en considération les circonstances qui ont entouré la création du tribunal. Le Liban est un petit pays qui sort de trente années d’occupation et qui est entouré de pays qui lui sont hostiles. (...)
Quatrièmement, en ce qui concerne la détention préventive, les personnes détenues le sont en conformité avec la loi libanaise. Elles ne sont pas incarcérées arbitrairement et font l’objet d’une détention préventive par décision du juge d’instruction suite à l’action publique intentée contre elles par le procureur général. Poursuivies pour des crimes ayant plusieurs qualifications, dont le crime d’homicide prémédité, elles ne bénéficient pas d’un terme à leur arrestation préventive au sens de l’article 108 du code de procédure pénale. Elles peuvent être détenues tant que le juge d’instruction détient des preuves à charge à leur encontre, et cela dans l’intérêt de l’instruction. (...)
Les auteurs de l’article soulèvent la question des crimes de la guerre de l’été 2006, pour solliciter également la justice internationale. Nous souscrivons sans réserve à cette requête, parce que le Liban a dû subir, une fois encore, des destructions, des exodes de populations et l’émigration de ses fils. C’est un nouveau chapitre douloureux dans l’histoire des conflits d’intérêts qui opposent certaines puissances de la région du Moyen-Orient par Libanais interposés. Le gouvernement libanais n’a pas manqué d’accorder une attention particulière aux problèmes issus de la guerre de l’été 2006, en formant une commission regroupant les juristes les plus éminents du pays, chargée de la saisine de la justice internationale à cet effet.
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